Les 10 meilleurs carnavals du monde

Les 10 meilleurs carnavals du monde

Du spectacle de samba de Rio à l'élégance masquée de Venise, explorez 10 festivals uniques qui mettent en valeur la créativité humaine, la diversité culturelle et l'esprit universel de la fête. Découvrez l'histoire, les coutumes et les atmosphères vibrantes des carnavals les plus célèbres du monde. Ces célébrations vibrantes ne sont pas seulement une sorte de divertissement, mais aussi très importantes sur le plan culturel. Des canaux bucoliques de Venise à la scène de rue énergique de Montevideo, des célébrations vibrantes de la Nouvelle-Orléans au carnaval de Santa Cruz de Tenerife, en passant par les festivités animées de Mazatlan et l'extravagance inspirée de la samba à Rio de Janeiro, chacun de ces événements offre des expériences culturelles uniques et des rythmes captivants.

Sur tous les continents, le carnaval éclate dans un spectacle vibrant de couleurs, de sons et de rituels séculaires. Pour de nombreuses villes du monde, les semaines précédant le Carême ne signifient qu'une chose : le Carnaval. Durant ces journées frénétiques, le quotidien cède la place à une fête effrénée. À Venise, les festivaliers enfilent masques et capes ornés ; à Port-d'Espagne, steel drums et soca résonnent dans les rues ; à Rio, les défilés de samba transforment les stades en théâtres détrempés ; à La Nouvelle-Orléans, jazz et défilés envahissent le Quartier français ; et à Notting Hill, à Londres, les drapeaux caribéens flottent au-dessus de leurs têtes par une nuit d'été. Chaque ville a sa propre célébration, mais toutes partagent un esprit de libération et de fête collective.

Le carnaval puise ses racines dans d'anciennes coutumes païennes et médiévales, marquant souvent une dernière indulgence avant l'austérité du Carême. Surtout lié au calendrier chrétien, ce festival a également absorbé les cultures locales. Certains carnavals ont conservé leur faste aristocratique ; d'autres sont nés de l'histoire coloniale ou de la solidarité diasporique. Pourtant, partout, le résultat est similaire : un effondrement des normes communautaires, une reconquête des rues et une opportunité pour la société de se réinventer, ne serait-ce que brièvement.

Dans les pages qui suivent, cet article explore dix célébrations emblématiques, chacune offrant un regard étincelant sur l'âme de sa ville. Il ne s'agit pas de brochures touristiques, mais de portraits immersifs du point de vue d'un observateur curieux. On peut se faufiler dans les ruelles vénitiennes parmi les fêtards masqués, puis sentir les tambours au lever du soleil à Port-d'Espagne ; entendre l'appel de la samba au Sambadrome de Rio et les fanfares de Bourbon Street ; et sentir les basses du steelpan sous le soleil estival de Londres. Chaque carnaval raconte l'histoire de personnes – passées et présentes – célébrant l'identité, la liberté et le pouvoir extraordinaire des festivités à refléter et à remodeler la culture.

Carnaval de Venise, Italie

Carnaval à Venise en Italie

Le carnaval de Venise évoque une époque révolue, celle où la Sérénissime République célébrait avec faste. La légende raconte qu'il a débuté en 1162 après une victoire sur Aquilée, mais il a prospéré pendant la Renaissance et le Baroque. Du crépuscule à l'aube, des nobles masqués dansaient dans les palais et déambulaient sur la place Saint-Marc à chaque Carnaval. Cette tradition a pris fin brutalement en 1797 lorsque Napoléon a interdit la mascarade ; Venise a dormi pendant le Carême sans festivités. Près de deux siècles plus tard, en 1979, la ville a ressuscité le carnaval. Aujourd'hui, jusqu'à trois millions de visiteurs s'y rassemblent chaque année, inaugurant les anciennes célébrations lors des matins brumeux de février.

Les masques de Venise sont au cœur de l'événement. Dès les premières lueurs de l'aube, on peut apercevoir le profil fantomatique d'une Bauta – son menton et son nez larges et saillants sous un masque blanc et un tricorne – ou une Colombine demi-masquée ornée de plumes et de bijoux. L'insaisissable Moretta, un ovale de velours noir retenu par un bouton entre les dents, ajoute encore au mystère. Sous ces déguisements, les classes sociales se dissolvent : un sénateur et un tisserand de soie marchent côte à côte, également cachés. Des palais entiers accueillent des bals masqués ; l'un des moments forts est le « Vol de l'Ange », où un acrobate costumé descend en tyrolienne du Campanile de Saint-Marc jusqu'à la place en contrebas, au milieu des feux d'artifice. Des gondoles déambulent avec des couples masqués aux perruques poudrées, et même les vendeurs du marché du Rialto peuvent revêtir capes et masques pour vendre leurs marchandises au cœur de ce spectacle fantastique.

Le Carnaval de Venise est somptueux et aérien. Une brume fraîche s'élève des canaux, mêlée à la lumière des lanternes et au parfum des châtaignes grillées. Des personnages costumés déambulent dans les ruelles étroites et sous les ponts en arc, leurs pas résonnant sur les briques. La musique – parfois des trompettes ou des violoncelles baroques – s'échappe des cafés et des balcons des palais. Après le crépuscule, les bals aux chandelles murmurent de rires tandis que des fêtards en costumes extravagants valsent dans des salles dorées. Au milieu de ces festivités, une émotion poignante se dégage : cette liberté sauvage disparaîtra à l'aube du mercredi des Cendres, et les vieilles pierres de la ville resteront silencieuses pendant tout le Carême.

Carnaval de Port-d'Espagne, Trinité-et-Tobago

Carnaval à Port-d'Espagne

Le Carnaval de Port-d'Espagne est un baptême du feu, né à la croisée des chemins entre l'Empire et l'Émancipation. Ses origines remontent au XVIIIe siècle, lorsque les planteurs français et les personnes libres de couleur organisaient de somptueux bals masqués à l'approche du Carême. Ces rassemblements étant interdits aux esclaves africains, ils créèrent leur propre fête parallèle, appelée Canboulay (qui signifie « canne brûlée », en référence aux champs de canne à sucre). Canboulay était marqué par des tambours, des chants, des combats de bâtons et des flambeaux dans les rues. Après l'Émancipation en 1834, ces traditions fusionnèrent pour donner naissance au Carnaval naissant. Au fil du temps, les Trinidadiens de toutes origines en ont fait la grande fête mondialement connue qu'elle est aujourd'hui.

Un moment clé survient avant l'aube du lundi de carnaval : J'ouvert, qui signifie « aube » en créole. À 4 heures du matin, les rues de la ville sont envahies par une foule pieds nus, couverte de peinture, d'huile et de boue. Ils dansent et rient au son du reggae, du calypso et du parang qui jaillissent des camions ouverts. Dans l'obscurité, on peut apercevoir des gens déguisés en diables aux yeux brillants ou en esprits masqués, enveloppés de plumes, hurlant et barbouillés de pâte de café noir. J'ouvert est primordial et libérateur : le sacré devient profane, l'ordinaire plongé dans un joyeux chaos tandis que chacun s'échappe du carcan de son quotidien.

À midi, la Grande Parade prend le relais. Des milliers de costumés défilent en fanfares coordonnées le long des avenues de Savannah et de la ville. Leurs costumes vont de l'élégant (reines perlées avec d'imposantes coiffes de plumes) à l'absurde et au satirique (caricatures géantes se moquant des politiciens ou de la culture pop). Chaque fanfare élit son Roi et sa Reine du Carnaval pour ouvrir la voie. La musique domine : les calypsoniens entonnent des commentaires sociaux pleins d'esprit, tandis que des rythmes de soca entraînants et un steelpan retentissant les entourent. Les tribunes du jury de Savannah notent chaque détail, mais pour les spectateurs, chaque groupe est un spectacle tout aussi émerveillé. L'air embaume l'huile de coco (utilisée pour la peinture corporelle) et la cuisine de rue, comme la soupe de maïs et les bananes plantains.

On ne peut décrire le Carnaval de Trinidad sans évoquer une exubérance brute. La chaleur caribéenne pèse, la sueur se mêle aux reflets de la peinture sur la peau, et pourtant personne ne ralentit sa danse. Tambours et cors accélèrent le rythme : même les piétons sur les trottoirs entonnent des congas improvisées. Des inconnus se donnent la main et tournoient ; un homme sur échasses domine la foule, machette à la main, bondissant à travers la foule. Les barrières sociales s'estompent temporairement : les héritages africain, indien et européen de la ville se mêlent librement. Le Carnaval est ici une revendication identitaire : chaque battement de tambour est un battement de cœur d'émancipation. À la fin des célébrations et à l'aube du Mercredi des Cendres, des milliers de personnes rentrent chez elles, épuisées et exaltées, portant en elles le souvenir d'un peuple qui a transformé la lutte en spectacle.

Carnaval de Rio de Janeiro, Brésil

Carnaval de Rio de Janeiro

Le Carnaval de Rio de Janeiro est la plus grande fête du pays, un spectacle vivant mêlant des éléments portugais, africains et autochtones. Son ancêtre le plus ancien était l'Entrudo, une fête médiévale animée de batailles d'eau, introduite par les colons portugais. Au XXe siècle, l'âme même du Carnaval de Rio s'est forgée avec l'essor des écoles de samba. En 1928, la première école de samba, Mangueira, dansa dans les rues, et bientôt des dizaines d'autres apparurent, chacune représentant un quartier. La samba, née du rythme afro-brésilien, devint le cœur du festival, et les communautés commencèrent à s'y préparer tout au long de l'année.

Chaque mois de février ou de mars, l'emblématique Sambadrome de Rio – un stade spécialement conçu pour les défilés – devient le point de départ du Carnaval. Chaque école de samba défile à tour de rôle et se produit pendant environ une heure devant un jury. L'entrée en scène est rituelle : une petite comissão de frente (commission de front) danse théâtralement pour introduire le thème, suivie de l'abre-alas (char d'ouverture), un spectacle grandiose. Viennent ensuite le Mestre-Sala et la Porta-Bandeira (maître de cérémonie et porte-drapeau), qui font tournoyer la bannière de l'école dans une élégante harmonie. Derrière eux, des centaines de danseurs en costumes raffinés défilent, la bateria (batterie) clôturant la section par un fracas tonitruant. Les spectateurs, entassés dans les gradins en béton, applaudissent à tout rompre, et les balcons de la ville débordent d'acclamations.

À l'extérieur du stade, la ville entière est en fête. À Lapa et dans des dizaines de quartiers, les fêtes du bloco font rage jour et nuit. Presque à chaque coin de rue, les tambours surdos et les cris de cuíca jaillissent des sonorisations mobiles. Des fêtards aux coiffes élaborées dansent sur les toits des voitures et des voitures, déclenchant des défilés improvisés. Des vendeurs proposent de l'açaï, du pain au fromage et de la bière fraîche pour alimenter les festivités. Le carnaval de Rio est un spectacle démocratisant : les banquiers dansent aux côtés des enfants des favelas ; les touristes se perdent dans la musique. Pourtant, chaque représentation est porteuse de sens. Les enredos (chansons thématiques) des écoles de samba rendent souvent hommage aux héros afro-brésiliens ou au folklore local, et les chorégraphies peuvent satiriser les hommes politiques ou célébrer l'histoire. Ainsi, le carnaval devient à la fois spectacle et commentaire social. À l'aube, les Cariocas fatigués rentrent chez eux, la samba encore dans les veines, après avoir tout donné à l'esprit de leur ville.

Mardi Gras de la Nouvelle-Orléans, États-Unis

Carnaval à la Nouvelle-Orléans, États-Unis

Le carnaval de La Nouvelle-Orléans porte un nom français, mais il possède une âme profondément créole. Mardi Gras y était célébré par les Français au début du XVIIIe siècle, et dans les années 1830, défilés et bals masqués étaient une tradition locale très appréciée. Lorsque les festivités devinrent incontrôlables, les élites de la ville formèrent la Mystick Krewe of Comus en 1857 pour rétablir l'ordre. Ce modèle donna naissance à des dizaines de krewes privées – des sociétés secrètes organisant chacune de somptueux défilés et des bals sur invitation. La Krewe of Rex, fondée en 1872, couronne chaque année le Roi du Carnaval et lui remet symboliquement les clés de la ville.

À l'approche de Mardi Gras, les rues de la ville se parent de couleurs éclatantes. Les chars nocturnes défilent, chacun représentant un pays des merveilles thématique illuminé de l'intérieur, leurs cavaliers lançant perles, doublons et babioles à la foule. L'air résonne des cris de « Lance-moi quelque chose, monsieur ! » tandis que les mains se bousculent pour attraper des guirlandes violettes, vertes et dorées. Des fanfares et des ensembles de cuivres suivent chaque char, diffusant du jazz et du funk à tue-tête. Sur le terrain neutre, des musiciens de rue animent des défilés improvisés : des fêtards, mouchoirs et parapluies à leur suite, dansent et applaudissent. Pour beaucoup, attraper une coupe de fleur de lys ou une poignée de perles devient un précieux trophée de la tradition de Mardi Gras.

Nourriture et rituels ajoutent à la splendeur du festival. À partir de l'Épiphanie (6 janvier), les familles préparent le King Cake – un pain tressé à la cannelle glacé aux couleurs de Mardi Gras, cachant un minuscule bébé en plastique. Celui qui trouve le bébé dans sa part est couronné roi ou reine et doit organiser la prochaine fête du gâteau. Pendant ce temps, la Krewe of Zulu, entièrement noire, offre son propre héritage. Les Indiens zoulous défilent en jupes d'herbe et costumes perlés (un acte radical en 1910) et sont célèbres pour lancer des noix de coco décorées dans la foule. Ces lourdes récompenses peintes – souvent dorées ou aux couleurs vives – deviennent des symboles féroces de chance de Mardi Gras lorsqu'elles sont attrapées.

Un contrepoint poignant est celui des Indiens du Mardi Gras, une tradition afro-américaine profondément ancrée. Des tribus d'« Indiens » masqués passent des mois à confectionner à la main des costumes à plumes élaborés, inspirés des insignes amérindiens. Le soir du Carnaval, ils défilent silencieusement dans le Quartier français au son des tambours et des chants, rendant hommage aux ancêtres et à la résistance. Leur apparition est souvent inattendue, rappelant le passé complexe de la ville. À l'aube, le calme revient à Bourbon Street et les défilés de la reconstruction défilent dans les rues paisibles. Les habitants disent que Mardi Gras révèle l'âme de La Nouvelle-Orléans : la musique et la gastronomie unissent les gens au-delà des divisions, même dans les moments les plus difficiles.

Carnaval de Notting Hill, Londres, Royaume-Uni

Carnaval de Notting Hill, Londres, Royaume-Uni

Le Carnaval de Notting Hill à Londres est le plus grand festival de rue au monde célébrant la culture caribéenne, mais ses origines modestes étaient celles d'une manifestation. À la fin des années 1950, les tensions raciales ont dégénéré en émeutes raciales à Notting Hill. En réaction, la militante Claudia Jones a organisé le premier « Carnaval des Caraïbes » en intérieur en 1959, avec des steel bands et du calypso pour encourager la communauté antillaise. Sept ans plus tard, Rhaune Laslett et d'autres ont organisé le premier défilé de carnaval en plein air dans les rues de Notting Hill pendant le week-end férié d'août. C'était une fête de rue gratuite et multiculturelle destinée à favoriser l'unité. À la fin des années 1960, le défilé communautaire était devenu un spectacle annuel, et la célébration est devenue chaque année depuis la fête estivale emblématique de Londres.

Le carnaval moderne dure trois jours. Le samedi, place Saint-Pierre, se déroule souvent Panorama, le concours de steelpan. Le dimanche, c'est la Journée des familles, où les enfants, costumés de manière originale, défilent au rythme du calypso et de la soca sous un ciel d'été. Mais le lundi, c'est le grand marathon : pendant près de 24 heures, des dizaines de groupes de mas serpentent le long de Westbourne Park Road. Chaque groupe est un véritable spectacle émouvant, avec des costumes à thème allant des guerriers de la jungle aux reines mythiques. Les camions sound-system diffusent en boucle du reggae aux basses puissantes et des tubes de soca, encourageant tout le monde à danser et à chanter.

L'atmosphère de Notting Hill évoque celle d'une gigantesque fête de quartier estivale. L'air se charge de fumée de jerk et d'arômes de curry, tandis que les steel drums s'entrechoquent à côté de puissants haut-parleurs. Des fêtards de tous âges et de tous horizons envahissent les rues : reines en plumes, grands-mères en imprimé africain, adolescents aux dreadlocks et touristes aux imprimés colorés. Les gens grimpent aux lampadaires, les enfants courent après les confettis, et tout le monde bouge au rythme collectif. La police reste visible mais généralement discrète, rappelant que le Carnaval a autrefois rencontré des résistances. En un week-end, ce quartier londonien devient le théâtre du festival : les drapeaux de Trinidad, de la Jamaïque et d'ailleurs flottent à côté des Union Jacks. Le Carnaval de Notting Hill affirme que la musique et l'identité ne connaissent pas de frontières.

Carnaval de Santa Cruz de Tenerife, Espagne

Carnaval de Santa Cruz de Tenerife

Au cœur des îles Canaries, Santa Cruz de Tenerife s'illumine chaque hiver d'une explosion de couleurs et de musique. Le carnaval de pré-carême de la ville est un grand spectacle folklorique qui transforme ses rues en scène, mêlant rythmes espagnols et latino-américains sous un ciel nocturne subtropical. Originaire d'une modeste fête masquée et festive du XVIIe siècle, le carnaval est devenu un spectacle de deux semaines ponctué de défilés somptueux et de costumes raffinés. Des milliers de participants défilent le long de l'Avenida Anaga, des troupes de danseurs et de comparsas aux musiciens aux rythmes de salsa et caribéens.

Au sommet des festivités, le célèbre gala de la Reine du Carnaval, où une multitude de candidates dévoilent des robes époustouflantes, confectionnées au fil des mois. Ces costumes, souvent faits de plumes, de paillettes et d'armatures en acier, peuvent coûter des dizaines de milliers d'euros et peser autant qu'une petite personne. Dans une couronne solennelle, la gagnante incarne l'esprit du carnaval, dominant un char tel un joyau vivant. Ailleurs, les fêtes de quartier envahissent les rues à minuit, les habitants costumés distribuant des friandises et du vin.

Le carnaval de Santa Cruz est à la fois festif et débridé. Le jour, enfants et familles se joignent à des cortèges maquillés sous le soleil de l'Atlantique ; la nuit, les adultes suivent les rythmes des murgas et des groupes de samba dans les ruelles étroites. Les rues vibrent au son des tambourins et des trompettes électriques, et les fêtards dansent côte à côte, comme dans un bond collectif au-delà du quotidien. Cette ambiance dynamique est teintée d'une pointe de fantaisie et de satire : lors de certains numéros, les hommes revêtent des costumes de drag extravagants, tandis que les Cabezudos (personnages à tête géante) se moquent de la politique locale.

Le carnaval de Tenerife est profondément ancré dans la culture. Historiquement, c'était l'occasion de rompre avec les contraintes sociales avant le Carême et de célébrer les liens de l'île avec les Amériques. Au fil des siècles, les influences cubaines, brésiliennes et même ouest-africaines se sont mêlées aux festivités canariennes, donnant à la célébration un caractère étonnamment international pour une ville européenne. À la toute fin, les festivités se concluent traditionnellement par la combustion d'une sardine en papier mâché, symbole de l'adieu aux excès. Le Carnaval de Santa Cruz de Tenerife, avec son atmosphère espagnole et sa chaleur tropicale, demeure un témoignage de la créativité collective et de la tradition persistante de gourmandise bienvenue avant les semaines sobres du Carême.

Carnaval d'Oruro, Bolivie

Sur les hauteurs du plateau andin, la ville d'Oruro célèbre un carnaval unique en son genre. Cette fête bolivienne est un vestige vivant de la foi précolombienne, tissée dans le faste colonial espagnol. Pendant six jours, les rues d'Oruro se transforment en un pèlerinage à la Virgen del Socavón (Vierge du Puits de Mine), une sainte patronne dont les racines remontent au culte indigène de la Pachamama. Dans ce contexte, le carnaval revêt une dimension à la fois sacrée et extatique. L'air vibre au rythme des tambours et des flûtes andines tandis que des dizaines de milliers de danseurs en costumes brodés défilent dans la ville en une procession religieuse.

Au cœur du Carnaval d'Oruro se trouve la Diablada, la spectaculaire « Danse des Diables ». Des personnages masqués aux cornes dorées se tortillent et se pavanent, recréant le triomphe de l'Archange sur Lucifer. Les costumes des diables sont d'une complexité étonnante : des perles de verre scintillent au soleil, des tissus multicolores tourbillonnent, et chaque coiffe est un mini-atelier de ferronnerie et de plumes. À leurs côtés se trouvent les caporales, dont les armures de cuir tintent au son des clochettes, et la majestueuse Morenada, dont les danseurs portent des masques ornés d'influence africaine et brandissent des fouets au rythme endiablé des rythmes. Plus de quarante troupes de danse, chacune représentant une province ou une communauté différente, exécutent ces chorégraphies. Des musiciens – trompettes, cymbales et flûtes de pan envoûtantes appelées zampoñas – animent le défilé de l'aube au crépuscule.

Bien que jubilatoire en apparence, ce festival est chargé d'un symbolisme puissant. Historiquement, cette célébration s'inspire d'anciens rituels miniers : les mineurs de l'époque coloniale ont adapté leur culte des esprits de la terre à un cadre catholique d'honneur de la Vierge. Chaque costume, chaque pas du Carnaval d'Oruro peut être lu comme un fragment de ce récit syncrétique – une expression collective d'identité et de foi. Les spectateurs viennent de toute la Bolivie pour y assister ; en 2008, l'UNESCO a d'ailleurs reconnu le Carnaval d'Oruro comme patrimoine culturel immatériel. Même dans l'air frais des hautes terres, la foule se serre, subjuguée par la musique hypnotique. À la tombée de la nuit, les flammes des torches scintillent sur les visages des danseurs masqués, révélant des yeux brillants de fierté. Pour les nombreux peuples autochtones de Bolivie, le Carnaval d'Oruro est plus qu'une fête : c'est un défilé de la mémoire ancestrale, une affirmation grandiose que vie et spiritualité sont indissociables sous le ciel andin.

Carnaval de Cologne, Allemagne

À l'opposé, le Carnaval de Cologne se déroule avec pour toile de fond sa cathédrale gothique et le froid ciel de février. Ici, on l'appelle le Fastelovend ou Karneval, et il puise ses racines dans les plus anciennes traditions corporatives et ecclésiastiques d'Europe. La saison s'ouvre officiellement le 11 novembre à 11h11, mais la véritable folie se situe entre le Jeudi Gras (Weiberfastnacht) et le Mercredi des Cendres. Lors de la Weiberfastnacht, les femmes gambadent dans les rues avec des ciseaux, coupant symboliquement les cravates des hommes pour renverser l'ordre patriarcal. La semaine culmine le Rosenmontag (Lundi des Roses) avec l'un des plus grands défilés d'Europe.

Pendant les semaines qui précèdent le défilé, les conseils secrets du carnaval de la ville se réunissent, vêtus de pantalons de soie et de tricornes, pour planifier les festivités. Le jour du défilé, les célèbres chars « Prinzenwagen » – souvent des répliques satiriques de monuments de la ville – défilent en une procession de plus de deux kilomètres. Chaque char est une blague ou un commentaire ambulant : des cabarets de bouffons aux dents acérées caricaturent politiciens, banquiers et même des célébrités aux têtes absurdes en papier mâché. Les fêtards bordent les rues, vêtus de costumes colorés – bouffons, diables ou personnages folkloriques – à la recherche de friandises (Kamelle) que les princes du carnaval font pleuvoir sur la foule. Les fanfares entonnent des chants familiers de Köln, et dans chaque bar et chaque chapiteau à bière, les habitants chantent ou lèvent leur verre d'Altbier.

Malgré son ambiance festive, le Carnaval de Cologne conserve une certaine dignité d'antan. Chaque année, un trio appelé les Dreigestirn (Prince, Paysan et Demoiselle) mène les festivités, rappelant l'héraldique médiévale. La Demoiselle est traditionnellement incarnée par un homme costaud travesti – un exemple du plaisir du carnaval à renverser les normes. À minuit le mercredi des Cendres, les flotteurs en mousse et les costumes de plumes disparaissent du jour au lendemain ; seul l'incendie du Nubbel – une effigie de paille accusée de tous les péchés – marque la fin douce-amère des festivités.

Le carnaval ici est imprégné de fierté régionale : « K\u00f6lle Alaaf ! » fait écho au cri de ralliement de la ville, qui signifie approximativement « Cologne avant tout ». Dans ces rues animées par l'exubérance rhénane, les gens ordinaires trouvent une rare liberté pour rire de l'autorité et d'eux-mêmes. L'esprit du carnaval de Cologne est autant une question de communauté que d'humour : chaque année, la ville troque temporairement son visage sérieux contre un masque de carnaval, consciente que cette transformation est aussi ancienne et inévitable que les saisons elles-mêmes.

Carnaval de Nice, France

Sur la Côte d'Azur, Nice s'épanouit chaque année en février sous un ciel de carnaval bien différent. Lors de ce carnaval méditerranéen, l'air ne résonne pas de tambours tropicaux, mais de chars fantaisistes et de pluies de fleurs fraîches. Le Carnaval de Nice remonte à 1294, mais a pris une forme moderne à la fin du XIXe siècle. Pendant deux semaines, les grands boulevards de la ville accueillent des défilés nocturnes de chars artistiques et des défilés diurnes de faste floral. Chaque année, le cortège est guidé par un thème choisi et sa reine – une célébrité ou un artiste local – qui est portée sur la Promenade des Anglais au sommet d'un char fleuri.

Parmi les temps forts de la journée, on compte la légendaire « Bataille de Fleurs ». Des chars entièrement composés de roses, de glaïeuls et de chrysanthèmes défilent devant les spectateurs, tandis que des mannequins costumés, perchés sur leurs têtes, lancent des fleurs dans la foule. Enfants et couples dansent au milieu des pétales tourbillonnants ; même les inconnus dans la rue se donnent la main pour admirer la pluie d'arcs-en-ciel. À la tombée de la nuit, les défilés du Carnaval illuminent la ville : d'imposantes sculptures mécaniques scintillent de lumière, chaque char animé interprétant une histoire ou une scène. Une fanfare peut soudain entonner des airs de carnaval, et des danseurs en costumes et masques raffinés virevoltent sous les projecteurs, transformant brièvement les promenades bordées de palmiers de Nice en un rêve fantasmagorique.

À Nice, le Carnaval est une fête élégante et théâtrale. Les costumes évoquent souvent la Commedia dell'arte ou l'aristocratie historique, même si des caricatures de personnages modernes apparaissent parfois sur les chars. L'humour est ici doux ; l'esprit est plus poétique que tapageur. Même à la fin de la nuit, les festivités se terminent par une tradition unique : les courageux fêtards se jettent dans la mer Méditerranée froide pour le « Bain du Carnaval », lavant symboliquement les festivités des jours passés.

Partout, on sent que le carnaval raffiné de la ville réaffirme son héritage culturel – une affirmation que l'art, la beauté et une pointe de satire ont leur place même au cœur du froid hivernal. Le Carnaval de Nice a beau ressembler à une exposition d'art ambulante en bord de mer, il s'inscrit dans le même mouvement de renouveau que tous les carnavals du monde. Derrière les chars fleuris et les marionnettes des dirigeants mondiaux brûlées en effigie, on perçoit le rire universel d'une ville qui, l'espace d'un instant, choisit la fête plutôt que la routine.

Carnaval de Montevideo, Uruguay

Carnaval de Montevideo

À Montevideo, le carnaval se déroule sous un ciel d'été et dure plus longtemps que partout ailleurs. De mi-janvier à février (souvent pendant près de 40 jours), les rues de la capitale uruguayenne vibrent de rythmes et de satires. Ici, les racines du carnaval remontent aux esclaves africains de l'époque coloniale, qui préservaient leurs traditions de percussions en faisant la fête autour des remparts de la ville pendant le Carnaval. Après l'émancipation, ces traditions ont donné naissance au « candombe » : des défilés de rue de tambours et de danseurs qui constituent toujours le cœur battant du Carnaval uruguayen.

Au crépuscule, les soirs de défilé, de longues filas (rangées) de tambourinaires, appelées cuerdas de tambores, défilent dans le Barrio Sur et Palermo. Chaque cuerda est composée de dizaines de joueurs de trois tailles de tambours, dont les peaux roulent un rythme contrapuntique qui fait vibrer l'air. Devant les tambours bondissent des personnages costumés : la Vieille Femme et le Vieil Homme comiques, le Ramoneur espiègle, tous se déplaçant d'un pas saccadé et théâtral. Les comparsas (troupes de tambourinaires) du quartier se maquillent, revêtent des écharpes aux couleurs vives et se dirigent vers le célèbre Desfile de las Llamadas. Là, d'innombrables groupes de candombe convergent dans une joyeuse compétition de style et de rythme. Les spectateurs bordent les rues et les balcons de la Vieille Ville, applaudissant et chantant, tandis que nuit après nuit, les défilés de tambours refusent même de s'endormir.

Le jour, d'autres éléments entrent en jeu. Dans les tablados (amphithéâtres temporaires) en plein air, les troupes de murgas présentent des comédies musicales pleines d'esprit. Sur les places et les parcs, des groupes d'artistes masqués – comparsas humoristas, parodistas et enfants du carnaval – chantent des chansons satiriques sur la politique de l'année, les histoires d'amour et les scandales mondains. Les murgas portent des manteaux rapiécés et des chapeaux haut-de-forme ; leur chœur entonne des couplets ponctués de refrains à répondre, tandis que les acteurs miment des scènes burlesques. Ces spectacles regorgent de références locales et d'un humour mordant ; en période de difficultés politiques, ces spectacles sont même devenus des vecteurs de critique sociale. Dans la chaleur poussiéreuse de l'été, un public en liesse remplit ces scènes de rue, acclamant les chœurs qui expriment ouvertement les griefs et les espoirs collectifs.

Le carnaval de Montevideo est autant un renouveau spirituel qu'une tradition. La saison prolongée lui permet de s'intégrer au quotidien plutôt que de le remplacer. Les écoles ferment, les familles se rassemblent pour des pique-niques au son des tambours, et même la présidence marque une pause. Lorsque le dernier cortège de tambours s'éteint, les Uruguayens se sentent un peu plus unis par la danse et les rires partagés. Dans une société fière de son multiculturalisme, les racines du carnaval, tant africaines qu'européennes, en font une affirmation identitaire annuelle. Le Carnaval de Montevideo vit de la sueur des tambours et des vers savants de son peuple ; il célèbre la liberté et la créativité acquises par les générations passées. Alors que les battements des tambours résonnent dans la nuit, il devient évident que c'est plus qu'une longue fête : c'est un véritable battement de cœur culturel qui maintient la ville éveillée, fière et résiliente.

août 8, 2024

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