Situé au numéro 6, sur le tronçon le plus calme du Brouwersgracht, le Café Brandon a connu différents noms depuis la fin du XVIIe siècle. Il a pris son nom actuel en 1923, lorsque son propriétaire, Bernard « Brandon » Vos, a rénové l'espace pour en faire le café brun et chaleureux que vous voyez aujourd'hui. De l'extérieur, la façade trapue, peinte d'un vert forêt profond et encadrée d'une enseigne noire et dorée, ne laisse présager rien de plus qu'un lieu de quartier intime. Mais franchissez le perron et vous découvrirez des lanternes basses en laiton, des poutres en chêne noueuses noircies par des siècles de fumée de tabac, et un bar en acajou poli qui s'arque gracieusement le long d'un mur (la courbe optimise l'espace, un détail attentionné si vous vous débattez avec un sac à dos de voyage). Le sol est impeccablement balayé, mais légèrement usé par endroits, témoin d'innombrables pas – et de chaussures de danse lorsque l'accordéon y résonne de temps en temps.
Au cœur de Brandon se trouve la carte des boissons, qui se lit comme un abécédaire des traditions des cafés bruns hollandais. La carte des genièvres est concise mais fiable : trois versions « oude » (vieillies) et deux versions « jonge » (jeunes), chacune servie dans des verres tulipes traditionnels posés sur des sous-verres en fonte (tapotez-les fermement contre le bar avant de déguster pour en extraire de subtils arômes herbacés). La sélection de bières privilégie les microbrasseries locales : attendez-vous à une ale ambrée robuste d'Uiltje, une pils fraîche de 't IJ et un barleywine de saison lorsque les températures baissent (si vous préférez les lagers, demandez la Brandon Blonde maison, disponible exclusivement à la pression). La sélection de vins se limite à un rouge et un blanc, tous deux issus de vignobles européens durables, mais le véritable attrait réside dans le « guest barrel », un fût invité aléatoire, renouvelé environ toutes les quatre semaines, qui peut contenir aussi bien une dubbel belge qu'une stout hollandaise moins connue.
Le service de restauration du Brandon est volontairement spartiate (l'espace peut accueillir une trentaine de convives, et l'arrière-salle sert également de rangement pour les fûts et les tonneaux). Le « plateau d'accompagnement » est le plat incontournable : une planche en bois garnie d'épaisses tranches de gouda fermier, de chutney d'oignons caramélisés, d'amandes fumées et de saucisson sec, le tout présenté en portions pour accompagner trois tournées de spiritueux ou de bières (tout se marie parfaitement sans nécessiter d'assiettes supplémentaires). Certains soirs, le Brandon accueille un chef invité qui propose une spécialité – par exemple des brochettes de satay indonésien ou un tartare de hareng local – vendue par poignées plutôt que par assiettes complètes (si vous avez une faim de loup, prévoyez un repas assis dans l'une des brasseries voisines à l'avance).
Sur le plan opérationnel, le Café Brandon a des horaires qui reflètent son histoire de lieu de rencontre des commerçants du canal : ouverture des portes à 13 h, service en cuisine à 20 h 30 et fermeture à minuit en semaine (jusqu'à 2 h les vendredis et samedis). Ici, l'argent liquide est roi ; les paiements sans contact sont acceptés jusqu'à 15 € par transaction. Au-delà, il faudra demander poliment des euros (des distributeurs automatiques se trouvent à deux portes de là, mais peuvent être payants). Les places ne peuvent être réservées et sont attribuées selon le principe du premier arrivé, premier servi ; si vous arrivez à plus de quatre, vous pouvez vous répartir en deux au bar pour accélérer le service. Attention, l'allée d'entrée est pavée et peut être glissante sous la pluie (une petite marche retient l'eau de la grille d'évacuation ; prévoyez des chaussures bien adhérentes).
À Brandon, la composition de la clientèle change de façon prévisible au gré des heures et de la météo. Les après-midi ensoleillés attirent une poignée de télétravailleurs – avec leurs ordinateurs portables stratégiquement placés près d'une prise – et des retraités qui échangent des anecdotes sur le canal autour de cocktails au ginger ale (oui, vous pouvez ajouter un trait de genièvre à votre soda pour une touche hors menu). En début de soirée, les jeunes actifs se faufilent pour prendre un verre avant de dîner de l'autre côté du canal (le café partage un mur avec un restaurant recommandé par le guide Michelin ; vous pourriez donc apercevoir des chefs s'y arrêter pour un verre). Après 21 h, l'ambiance se détend et laisse place à une convivialité chaleureuse : des inconnus discutent entre eux, et des soirées quiz (organisées chaque mardi) brisent la glace. Si vous préférez les conversations discrètes, prévoyez une visite en milieu de semaine vers 16 h.
Intégrer le Café Brandon à votre itinéraire à Amsterdam est simple. Situé à cinq minutes à pied de l'entrée de la Maison Anne Frank et à dix minutes de la Westerkerk, il vous permet de planifier votre visite en fonction des fermetures des musées en début d'après-midi (la foule se raréfie entre 14h et 16h, ce qui facilite les réservations). Pour les amateurs de bars, le Brandon se marie parfaitement avec le De Drie Fleschjes, juste en amont du canal, et, plus à l'est, avec le Café 't Smalle, pour une table au bord du canal (un porte-vélos pratique est disponible sur le Brouwersgracht ; prévoyez un antivol en U robuste, surtout le week-end). Si vous utilisez les transports en commun, l'arrêt de tram le plus proche (Westermarkt) dessert les lignes 2 et 13 ; si vous êtes à pied, prévoyez du temps supplémentaire pour parcourir l'étroite ruelle : fiez-vous à la signalisation, pas à votre GPS, qui peut parfois égarer les points de repère sur le canal.
Notes du voyageur pour une expérience sans friction :
Ayez sur vous de petites coupures : Il arrive que des pénuries de pièces se produisent ; même si vous avez un billet de 20 €, le barman peut avoir du mal à le casser (et si vous proposez un billet de 50 €, attendez-vous à une réticence amicale).
Respectez les heures de silence : Après 22h30, les habitants apprécient de baisser la voix. N'oubliez pas que les maisons résidentielles au bord du canal absorbent le son et amplifient les plaintes pour bruit.
Adoptez la formule « debout » : S'il n'y a pas de places disponibles, il est d'usage de rester debout au bar, et c'est là que naissent la plupart des conversations fortuites.
Respecter le rituel : Ne touchez pas les bouteilles sur le bar arrière ; demandez une recommandation au barman et laissez-le choisir (cela fait partie de la préservation de la provenance de la collection).
Le Café Brandon n'a peut-être pas d'enseignes lumineuses ni de cocktails théâtraux, mais il offre une profondeur, tant dans sa carte des boissons que dans son sens d'une histoire commune. Pour le voyageur en quête d'authenticité plutôt que d'artifice, il offre l'essence même de la tradition des cafés bruns d'Amsterdam : sans prétention, axés sur le service et tranquillement confiants dans leur propre héritage. Arrivez préparé, penchez-vous et levez votre verre, non seulement au passé, mais aussi aux rythmes locaux qui vibrent encore entre ces murs usés par le temps.