Géorgie

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Tout ne commence pas par une ville, ni par un monument, mais par une montagne – Shkhara – qui perce le ciel à plus de 5 200 mètres d’altitude. Sous son souffle glacé, les terres ancestrales de la Géorgie s’étendent à l’ouest vers la mer Noire, à l’est dans des vallées viticoles arides, et au sud à travers des crêtes volcaniques. Ce territoire semble sculpté par la contradiction : luxuriant et pourtant marqué, ancien et pourtant instable, européen par ses déclarations et asiatique par sa géographie. La Géorgie, cette nation improbable à la frontière des continents, continue d’exister précisément parce qu’elle ne s’intègre jamais vraiment.

Bien avant les frontières et les drapeaux, cette terre a été le témoin des premières œuvres de l'humanité : les plus anciennes traces de vinification, d'exploitation minière d'or préhistorique et de textiles primitifs. C'est, littéralement, le berceau d'une civilisation encore aux prises avec les tensions entre mémoire et modernité. Un lieu où le mythe prend forme : la Colchide, patrie de la Toison d'Or, n'était pas une simple légende, mais un royaume où l'on tamisait autrefois l'or des lits des rivières à l'aide de laine de mouton. Aujourd'hui encore, le souvenir de cette histoire persiste dans l'esprit de ceux qui appellent ce lieu Sakartvelo.

Les montagnes définissent la Géorgie, non seulement physiquement, mais aussi culturellement. Le Caucase forme une frontière à la fois naturelle et psychologique, séparant la Géorgie du nord de la Russie, tout en façonnant intérieurement les régions distinctes du pays : les hauts plateaux accidentés de la Svanétie, les forêts tropicales de Samegrelo, les pentes arides de la Kakhétie. La chaîne du Grand Caucase traverse le nord, avec des sommets imposants comme le Kazbek et l'Ushba culminant à plus de 5 000 mètres. Des plateaux volcaniques dominent le sud, tandis que des gorges fluviales fendent les steppes orientales.

Historiquement, les Géorgiens s'identifiaient davantage à leurs vallées qu'à leur État. Des villages brumeux de Touchétie aux plages semi-tropicales de Batoumi, les paysages du pays abritent des cultures autonomes, chacune avec ses dialectes, ses danses, ses plats et ses défenses. Les tours svanes, trapues et médiévales, veillent encore sur les hameaux alpins. Aujourd'hui encore, certaines régions restent quasiment inaccessibles en hiver, accessibles uniquement par la détermination, la chance et parfois le bétail.

La diversité est aussi bien écologique qu'ethnique. Malgré sa taille modeste, la Géorgie abrite plus de 5 600 espèces animales et près de 4 300 espèces de plantes vasculaires. Des forêts pluviales tempérées s'accrochent aux pentes de l'Adjarie et du Samegrelo ; loups, ours et, insaisissables, léopards du Caucase rôdent encore aux abords de ses forêts les plus reculées. À l'est, l'esturgeon nage encore dans le Rioni – quoique de façon précaire – tandis que les vignes grimpent aux arbres de Kakhétie depuis des millénaires, suspendues tels des lustres chargés de douceur.

Tbilissi, qui abrite plus d'un tiers de la population du pays, est moins une ville qu'une tension rendue visible. Des gratte-ciel de verre côtoient des églises du VIe siècle. Un pont de la Paix, tout en acier et courbe, enjambe la rivière Mtkvari, juste en amont des bains publics de l'époque ottomane et des ruelles ombragées de la vieille ville. Les voitures filent à toute allure devant des bâtiments criblés d'impacts de balles datant des guerres civiles des années 1990, dont les façades sont un palimpseste d'utilitarisme soviétique, d'ornements persans et d'ambition moderne.

Fondée au Ve siècle, Tbilissi a traversé des vagues de destruction et de réinvention. Chaque empire a laissé son empreinte, mais aucun ne l'a effacée. Les contradictions de la ville reflètent celles de la Géorgie dans son ensemble : on y trouve un peuple dont la langue n'a pas de parenté linguistique connue en dehors de sa famille immédiate, dont l'écriture est unique au monde et dont l'identité s'est forgée en résistant à ses conquérants, tout en s'y empruntant.

La foi chrétienne orthodoxe, adoptée au début du IVe siècle, est devenue un ancrage culturel. Aujourd'hui encore, la religion demeure une force puissante, bien que souvent pratiquée avec parcimonie. Les églises géorgiennes, creusées dans les falaises et perchées sur des rochers escarpés, sont moins des symboles de doctrine que de persévérance. Vardzia, un monastère troglodyte du XIIe siècle, ouvre ses murs labyrinthiques telle une blessure ancienne, face à la gorge en contrebas, comme pour défier le monde à l'oubli.

L'histoire ici n'est pas académique. Elle s'immisce dans la vie quotidienne comme le vent glacial qui souffle des montagnes. Les cicatrices de l'empire sont encore fraîches. Au XVIIIe siècle, la Géorgie, encerclée par les forces ottomanes et perses hostiles, chercha l'aide de l'Europe occidentale, mais en vain. La Russie lui offrit sa protection et absorba progressivement le royaume. Des promesses furent faites, et d'autres non. La Géorgie devint un lieu de villégiature pour les élites tsaristes, puis un rouage silencieux de la machine soviétique.

L'indépendance est arrivée en 1991, non pas dans la joie, mais dans la violence et l'effondrement économique. La république nouvellement libre s'est déchirée dans une guerre civile et a vu deux de ses régions – l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud – tomber de facto sous contrôle russe. Aujourd'hui encore, les frontières les plus septentrionales sont surveillées non par des Géorgiens, mais par des gardes-frontières russes. Des villes entières – comme Soukhoumi et Tskhinvali – restent figées dans un statut contesté, coincées entre le souvenir de l'unité et la politique de partition.

La Révolution des Roses de 2003 a marqué un tournant pacifique rare. La Géorgie s'est tournée vers l'Occident : libéralisation économique, réformes anti-corruption et courtisanes auprès de l'Union européenne et de l'OTAN. Moscou en a pris note. En 2008, après des affrontements en Ossétie du Sud, les forces russes ont envahi le pays. Un cessez-le-feu a suivi, mais les lignes ont été redessinées, tant sur les cartes que dans les esprits. Malgré le traumatisme, la Géorgie a maintenu son orientation vers l'ouest. Elle est, à bien des égards, l'avant-poste le plus oriental de l'Europe, même si celle-ci n'a pas encore décidé si elle la revendique.

Au-delà de Tbilissi, le rythme ralentit. En Kakhétie, le matin s'ouvre au tintement des sécateurs et au lent lever du soleil sur les collines plantées de vignes. Ici, le vin n'est pas un produit, mais une continuité. Dans des vases en terre cuite appelés kvevri, le raisin fermente selon la méthode ancestrale, la peau et la tige imprégnant le liquide d'une profondeur quasi spirituelle. L'UNESCO a reconnu cette méthode comme patrimoine immatériel mondial, même si les Géorgiens n'avaient guère besoin de cette validation.

Le supra – un festin traditionnel – résume l'éthique géorgienne mieux que n'importe quel document politique. À la tête de la cérémonie se trouve le tamada, ou maître de cérémonie, qui porte des toasts philosophiques entre deux bouchées de khinkali et deux gorgées de saperavi couleur rubis. Être invité en Géorgie, c'est être adopté, au moins pour la soirée. Pourtant, au-delà des toasts et des rires, de nombreuses familles restent marquées par l'émigration, la guerre ou l'insécurité économique. Le dépeuplement rural et le chômage des jeunes demeurent des préoccupations majeures.

L'économie géorgienne a néanmoins fait preuve de résilience. Autrefois l'un des États post-soviétiques les plus corrompus, elle figure désormais régulièrement parmi les plus favorables aux entreprises de la région. La croissance du PIB a été volatile, mais largement à la hausse. Le vin, l'eau minérale, l'hydroélectricité et le tourisme constituent le socle économique, Batoumi, sa ville balnéaire bordée de palmiers, s'imposant comme le symbole de la volonté du pays de se repositionner comme un pays moderne, méditerranéen et ouvert.

L'héritage culturel de la Géorgie s'étend bien au-delà de ses frontières. George Balanchine, cofondateur du New York City Ballet, y trouve ses origines. Il en va de même pour les harmonies polyphoniques qui ont déconcerté les compositeurs occidentaux. La chanson folklorique « Chakrulo » a été lancée dans l'espace à bord de Voyager 2, écho lointain de cette nation montagneuse aux confins du cosmos.

La littérature occupe une place de choix. L'épopée du XIIe siècle de Shota Rustaveli, Le Chevalier à la peau de panthère, demeure une lecture incontournable. Ses thèmes – la loyauté, la souffrance et la transcendance – trouvent un écho nouveau dans un pays maintes fois éprouvé par les invasions et l'exil.

Et puis il y a l'architecture. En Svanétie et en Khevsureti, des tours de pierre s'élèvent telles des sentinelles fossilisées, regroupées en une solidarité défensive. À Mtskheta, la cathédrale de Svetitskhoveli, datant du XIe siècle, abrite ce que beaucoup considèrent comme la robe du Christ. À Koutaïssi, la cathédrale de Bagrati, en ruine mais résolue, domine le fleuve Rioni, vestige mélancolique de l'âge d'or médiéval de la Géorgie.

Aujourd'hui, la Géorgie se trouve à nouveau à un tournant. Une crise politique couve, les alliances internationales restent fragiles et les inégalités économiques persistent. Pourtant, c'est un pays qui a déjà mieux résisté que la plupart des autres, souvent en privilégiant la complexité plutôt que la simplification.

Visiter la Géorgie, ce n'est pas seulement découvrir un pays magnifique – même s'il est indéniablement beau –, c'est pénétrer dans un espace où passé et présent ne se séparent jamais. C'est un pays où les mythes se superposent à de véritables luttes, où le goût du vin peut être porteur de six mille ans d'histoire, et où l'hospitalité n'est pas une question de politesse, mais d'identité.

Racines dans la préhistoire et l'aube des royaumes

Bien avant l'essor et la chute des royaumes, les terres qui composent aujourd'hui la Géorgie ont été témoins de certaines des premières avancées de l'humanité. Des vestiges archéologiques confirment que, dès le Néolithique, les communautés locales maîtrisaient la viticulture : des fragments de poterie portant des résidus de vin remontent à 6 000 av. J.-C., faisant de la Géorgie la plus ancienne région viticole connue au monde. Parallèlement à la culture de la vigne, les riches plaines alluviales produisaient de la poussière d'or, donnant naissance à une technique particulière : l'utilisation de toisons pour capter les fines particules des ruisseaux de montagne. Cette pratique imprégnera plus tard la tradition hellénique sous le nom de mythe de la Toison d'Or, ancrant la Géorgie dans l'imaginaire collectif de l'Antiquité.

Au premier millénaire avant J.-C., deux royaumes principaux avaient émergé. À l'ouest s'étendait la Colchide, une plaine côtière entourée de forêts humides et regorgeant de sources cachées. Ses richesses en or, en miel et en bois attiraient les commerçants de la mer Noire et d'au-delà. À l'est, le haut plateau d'Ibérie (ou Kartli en géorgien) s'étendait sur les plaines fluviales, ses habitants maîtrisant la culture des céréales et l'élevage avec en toile de fond des montagnes escarpées. Bien que distincts par leur langue et leurs coutumes, ces royaumes partageaient une affinité culturelle diffuse : tous deux intégraient des influences étrangères – des cavaliers scythes aux satrapes achéménides – tout en cultivant des traditions uniques de travail du métal, de narration et de rituels.

La vie en Colchide et en Ibérie s'articulait autour de collines fortifiées et de vallées fluviales, où de petites entités politiques devaient allégeance d'abord aux chefs locaux, puis aux rois naissants. Des inscriptions et des chroniques ultérieures rapportent qu'au IVe siècle av. J.-C., la Colchide avait acquis un rôle quasi légendaire dans les récits grecs, ses dirigeants commerçant avec les cités-États du monde hellénique tout en résistant à une annexion directe. L'Ibérie, en revanche, oscillait entre autonomie et statut de clientéliste sous les empires successifs : perse, puis hellénistique, puis romain. Pourtant, l'arrivée du christianisme au début du IVe siècle, suscitée par sainte Nino, une missionnaire cappadocienne liée par tradition à saint Georges, s'avéra transformatrice. En quelques décennies, l'Ibérie adopta cette nouvelle foi comme religion d'État, forgeant un lien durable entre l'autorité ecclésiastique et le pouvoir royal.

Au fil des siècles, les héritages jumeaux de la Colchide et de l'Ibérie se sont fondus dans le socle culturel de la Géorgie. Leurs artisans ont perfectionné les émaux cloisonnés et sculpté des stèles de pierre monolithiques. Leurs poètes et leurs sages ont composé des hymnes qui ont résonné dans les cours médiévales ultérieures. Dans chaque terrasse viticole et chaque gorge de montagne, le souvenir de ces anciens royaumes a perduré – un courant identitaire sous-jacent qui unifierait un jour des principautés disparates en un seul royaume géorgien.

L'ascendance des Bagratides et l'âge d'or

À la fin du IXe siècle, la mosaïque de principautés géorgiennes trouva une cause commune sous la dynastie des Bagratides. Une alliance matrimoniale et une série de pactes habilement négociés permirent à Adarnase IV d'Ibérie de revendiquer le titre de « roi des Géorgiens », créant ainsi un précédent en matière de consolidation politique. Ses successeurs bâtirent sur ces fondations, mais c'est sous David IV, surnommé dans les annales ultérieures « le Bâtisseur », que l'unification atteignit son apogée. Monté sur le trône en 1089, David dut faire face aux incursions des forces seldjoukides, aux divisions internes entre seigneurs féodaux et à un réseau complexe d'intérêts ecclésiastiques. Par une combinaison de réformes militaires, dont l'établissement du redoutable ordre monastique et militaire de Khakhuli, et l'octroi de terres aux nobles fidèles, il rétablit l'autorité centrale et repoussa les envahisseurs étrangers au-delà des frontières du pays.

Le règne de Tamar, petite-fille de David (de 1184 à 1213), marqua l'apogée de l'Âge d'Or. Première femme à gouverner la Géorgie de plein droit, elle allia cérémonie royale et protection martiale. Sous son égide, les armées géorgiennes triomphèrent à Shamkor et à Bassian ; ses diplomates négocièrent des alliances matrimoniales qui unirent les maisons nobles d'Europe occidentale et de Géorgie ; et ses marchands prospérèrent le long des routes caravanières reliant Constantinople, Bagdad et les hauts plateaux du Caucase. Plus qu'une souveraine, Tamar était une protectrice des lettres. Le scriptorium royal prospéra, produisant des chroniques enluminées et des hagiographies dont les miniatures saisissantes demeurent des trésors de l'art médiéval.

L'innovation architecturale accompagnait cette floraison. Le monastère de Ghélati, fondé par David IV en 1106, devint un centre d'apprentissage et de vie spirituelle. Ses voûtes abritaient des transcriptions de traités aristotéliciens en écriture géorgienne, et ses façades mariaient proportions classiques et traditions locales de maçonnerie. Dans la région montagneuse de Samtskhe, l'église rupestre de Vardzia témoignait à la fois d'une vision stratégique et d'une audace esthétique : une cité cachée creusée dans la falaise, agrémentée de chapelles, de réserves et de chapelles ornées de fresques qui saisissent le subtil jeu d'ombres et de lumières.

Pourtant, sous la grandeur de l'Âge d'Or se cachaient des tensions qui allaient bientôt refaire surface : rivalités entre familles puissantes, demandes successives de tributs mongols et défi du maintien de l'unité dans un pays aux vallées fragmentées. Malgré tout, dans les douces brises du début du XIIe siècle, la Géorgie avait atteint une cohérence rarement égalée dans son passé : un royaume à la fois martial et cultivé, dont l'identité était ancrée dans la foi, la langue et les rythmes immuables de la vigne et de la montagne.

Fragmentation et domination étrangère

Après l'apogée du XIIe et du début du XIIIe siècle, le royaume de Géorgie entra dans une longue période d'affaiblissement. Une succession d'invasions mongoles dans les années 1240-1250 fracturèrent l'autorité royale ; les villes furent pillées, les communautés monastiques dispersées et la capacité de la cour centrale à mobiliser des ressources fut fortement réduite. Bien que le roi George V « le Brillant » rétablisse brièvement l'unité en chassant les Mongols au début du XIVe siècle, ses successeurs manquèrent de son talent diplomatique et de son énergie martiale. Les rivalités internes entre les puissantes maisons féodales – en particulier les clans Panaskerteli, Dadiani et Jaqeli – érodèrent la cohésion, les seigneurs régionaux se créant des principautés de fait indépendantes sous une suzeraineté royale nominale.

À la fin du XVe siècle, des prétendants rivaux se disputaient le contrôle de la Karthlie orientale et de l'Iméréthie occidentale, chacun dépendant d'alliés issus des États musulmans voisins. La vulnérabilité stratégique d'une Géorgie divisée suscita des incursions répétées depuis le sud. Les armées perses-safavides pillèrent les vignobles des basses terres de Kakhétie, tandis que les forces ottomanes attaquèrent l'intérieur des terres jusqu'à Samtskhé-Djavakhétie. Les dirigeants géorgiens oscillèrent entre compromission – payer tribut ou accepter les titres ottomans – et appels aux lointaines puissances chrétiennes, sans grand succès durable. Tout au long de ces siècles, le souvenir de l'âge d'or de Tamar survécut dans les fresques et les chroniques conservées à Ghélati et à Vardzia, mais il ne subsista guère, au-delà de ces sanctuaires de montagne, d'un royaume unique et unifié.

En 1783, confronté aux exigences ottomanes et à la suzeraineté perse, le roi Érekle II de Kartli-Kakhétie orientale conclut le traité de Georgievsk avec Catherine II de Russie. Ce pacte reconnaissait une foi orthodoxe commune et plaçait la Géorgie sous la protection russe, promettant une aide militaire impériale en échange d'une allégeance formelle. Pourtant, lorsque le souverain iranien Agha Mohammad Khan renouvela ses assauts – culminant avec le sac de Tbilissi en 1795 –, les forces russes n'arrivèrent pas. Plus inquiétant encore, la cour de Moscou considéra bientôt son protectorat géorgien comme mûr pour l'absorption. En l'espace de deux décennies, la dynastie bagratide fut déchue de sa souveraineté, ses membres rétrogradés au rang de noblesse russe ordinaire, et l'Église orthodoxe géorgienne subordonnée au Saint-Synode russe.

En 1801, le royaume de Kartli-Kakhétie était officiellement annexé à l'Empire russe. Les gouverneurs tsaristes successifs étendirent leur contrôle vers l'ouest : l'Iméréthie tomba en 1810 et, au milieu du siècle, l'ensemble des contreforts du Caucase fut incorporé après une longue guerre avec les montagnards locaux. Sous la domination impériale, la Géorgie connut à la fois des politiques oppressives – russification forcée des écoles et de l'Église – et les prémices de la modernisation : routes et voies ferrées reliaient Tbilissi au port de Batoumi sur la mer Noire ; les écoles se multiplièrent dans la capitale ; et une intelligentsia naissante publia les premiers journaux en géorgien.

Pourtant, malgré ce semblant de stabilité, le mécontentement couvait. Tout au long du XIXe siècle, des familles aristocratiques comme les Dadiani et les Orbeliani entretenaient l'espoir d'une intervention occidentale, faisant écho à la mission antérieure, mais infructueuse, de Vakhtang VI en France et auprès de la papauté. Leur vision du destin de la Géorgie restait liée à l'Europe, même si les réalités de l'empire les reliaient à Saint-Pétersbourg. Musées et salons de Tbilissi et de Koutaïssi cultivaient l'art et la langue géorgiens ; des poètes comme Ilia Chavchavadze lançaient des appels au renouveau culturel ; et dans les églises de Mtskheta et d'ailleurs, les fidèles préservaient discrètement les rites liturgiques en écriture géorgienne ancienne.

À la fin du siècle, les vestiges disparates du patrimoine médiéval géorgien – ses chants polyphoniques, ses jarres à vin sculptées dans la vigne et ses monastères à flanc de falaise – étaient devenus des pierres angulaires de l'identité nationale. Ils ont survécu non pas grâce au pouvoir politique, mais grâce à l'imagination et à la ténacité d'un peuple déterminé à ce que, même soumis, la Géorgie demeure plus qu'un simple trophée impérial.

Révolution, République et subordination soviétique

Au lendemain de l'effondrement de l'Empire russe en 1917, la Géorgie saisit l'occasion. En mai 1918, avec le soutien militaire allemand et britannique, Tbilissi proclama la République démocratique de Géorgie. Ce jeune État recherchait la neutralité, mais le retrait des forces de l'Entente le laissa vulnérable. En février 1921, l'Armée rouge franchit la frontière et mit fin à l'indépendance de la Géorgie, faisant du pays l'une des républiques constitutives de l'Union soviétique.

Sous le régime soviétique, le destin de la Géorgie fut paradoxal. D'un côté, Joseph Staline, lui-même Géorgien de naissance, ordonna des purges brutales qui coûtèrent la vie à des dizaines de milliers de personnes, décimant cadres du parti et intellectuels. De l'autre, la république jouit d'une relative prospérité : les stations thermales et les stations balnéaires de la mer Noire prospérèrent, et les vins de Kakhétie et d'Iméréthie atteignirent de nouveaux sommets. L'industrie et les infrastructures se développèrent sous la planification centralisée, tandis que la langue et la culture géorgiennes étaient tour à tour célébrées et encadrées par les directives de Moscou.

Le système soviétique s'est finalement révélé fragile. Dans les années 1980, un mouvement indépendantiste s'est renforcé, nourri par le souvenir de la république de 1918 et la frustration face à la stagnation économique. En avril 1991, alors que l'Union soviétique s'effondrait, la Géorgie a de nouveau proclamé sa souveraineté. Pourtant, cette libération a entraîné un péril immédiat : les guerres sécessionnistes en Abkhazie et en Ossétie du Sud ont plongé le pays dans le chaos, provoquant des déplacements massifs de population et une forte contraction du PIB ; en 1994, la production économique avait chuté à environ un quart de son niveau de 1989.

La transition politique est restée difficile. Les premiers présidents post-soviétiques ont dû faire face à des conflits internes, à une corruption endémique et à une économie fracturée. Ce n'est qu'avec la Révolution des roses de 2003, déclenchée par des élections frauduleuses, que la Géorgie s'est engagée sur la voie des réformes. Sous la présidence de Mikheïl Saakachvili, de vastes mesures anti-corruption, des projets routiers et énergétiques, ainsi qu'une orientation vers l'économie de marché, ont relancé la croissance. Néanmoins, la poursuite de l'intégration à l'OTAN et à l'UE a provoqué l'ire de Moscou, qui a culminé avec le conflit bref mais destructeur d'août 2008. Les forces russes ont repoussé les troupes géorgiennes d'Ossétie du Sud, puis ont reconnu l'indépendance des deux régions séparatistes – un résultat qui reste un douloureux héritage des hostilités de cet été-là.

Au début des années 2010, la Géorgie s'était stabilisée et était devenue une république parlementaire dotée d'institutions civiles solides, et son économie affichait l'une des croissances les plus rapides d'Europe de l'Est. Pourtant, le statut non résolu de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, l'ombre persistante de l'influence russe et les turbulences politiques internes périodiques continuent de mettre à l'épreuve la résilience de la Géorgie, qui façonne son identité du XXIe siècle.

Langue, foi et composition ethnique

L'identité moderne de la Géorgie repose sur des traditions linguistiques et religieuses distinctes, forgées au fil de millénaires de continuité culturelle. Le géorgien, langue de la famille kartvélienne qui comprend également le svane, le mingrélien et le laze, est la langue officielle du pays et le principal moyen d'expression pour environ 87,7 % des habitants.
L'abkhaze détient un statut co-officiel dans sa république autonome éponyme, tandis que l'azerbaïdjanais (6,2 %), l'arménien (3,9 %) et le russe (1,2 %) reflètent la présence de communautés minoritaires importantes, en particulier à Kvemo Kartli, Samtskhe-Javakheti et dans la capitale, Tbilissi.

Le christianisme orthodoxe oriental lie la majorité des Géorgiens – dans sa forme nationale orthodoxe géorgienne – à des rites et traditions qui remontent au IVe siècle, lorsque la mission de sainte Nino de Cappadoce a établi le christianisme comme religion d'État en Ibérie. Aujourd'hui, 83,4 % de la population adhère à l'Église orthodoxe géorgienne, dont l'autocéphalie a été rétablie en 1917 et réaffirmée par Constantinople en 1989. Bien que la fréquentation des églises soit souvent centrée sur les fêtes et les rites familiaux plutôt que sur le culte hebdomadaire, les symboles et les fêtes de l'Église demeurent de puissants marqueurs de la mémoire nationale.

L'islam représente la foi d'environ 10,7 % des Géorgiens, répartis entre les Azerbaïdjanais chiites du sud-est et les communautés sunnites d'Adjarie, des gorges du Pankissi et, dans une moindre mesure, les Abkhazes et les Turcs meskhètes. Les chrétiens apostoliques arméniens (2,9 %), les catholiques romains (0,5 %), les juifs – dont les racines remontent au VIe siècle avant J.-C. – et d'autres groupes religieux plus restreints complètent la mosaïque religieuse géorgienne. Malgré quelques tensions sporadiques, la longue histoire de coexistence interreligieuse sous-tend une éthique civique dans laquelle les institutions religieuses et l'État restent constitutionnellement séparés, même si l'Église orthodoxe géorgienne jouit d'un statut culturel particulier.

Sur le plan ethnique, la Géorgie compte quelque 3,7 millions d'habitants, dont environ 86,8 % sont d'origine géorgienne. Le reste est composé d'Abkhazes, d'Arméniens, d'Azerbaïdjanais, de Russes, de Grecs, d'Ossètes et d'une multitude de groupes plus petits, chacun contribuant au patrimoine composite de la nation. Au cours des trois dernières décennies, les tendances démographiques – marquées par l'émigration, la baisse de la natalité et le statut non résolu de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud – ont légèrement réduit la population, passant de 3,71 millions en 2014 à 3,69 millions en 2022. Pourtant, ces chiffres trahissent la résilience de communautés qui considèrent la langue, les rituels et l'histoire commune comme le fondement d'une identité singulière et durable.

Résonance de la pierre, du script et de la chanson

À travers les paysages vallonnés de la Géorgie, la culture prend forme concrète dans des églises en pierre et des tours vertigineuses, dans des manuscrits liés par la foi et dans des voix qui s'entrelacent dans une harmonie résonnante.

Le paysage médiéval de la Haute-Svanétie est ponctué par les donjons carrés en pierre de Mestia et d'Ushguli, des tours défensives construites entre le IXe et le XIVe siècle. Taillées dans le schiste local et coiffées de toits à colombages, ces fortifications abritaient autrefois les familles contre les pillards. Pourtant, leur géométrie austère se dresse aujourd'hui comme des monuments silencieux de la résistance communautaire. Plus au sud, la ville-forteresse de Khertvisi domine un promontoire rocheux surplombant la rivière Mtkvari ; ses murs et ses créneaux évoquent à la fois la vigilance martiale et la rigueur sculpturale de la maçonnerie géorgienne.

En architecture ecclésiastique, le style à coupole croisée cristallise l'innovation géorgienne. Dès le IXe siècle, les bâtisseurs fusionnent le plan basilical longitudinal avec une coupole centrale soutenue par des piliers autoporteurs, créant ainsi des intérieurs baignés de lumière et d'acoustique qui amplifient le chant liturgique. Le monastère de Ghélati, près de Koutaïssi, illustre parfaitement cette synthèse : chapiteaux sculptés, mosaïques polychromes et cycles de fresques mêlent motifs byzantins et ornements locaux, tandis que sa cathédrale conserve un chœur de pierre ininterrompu qui accentue les voix polyphoniques.

Dans les scriptoria monastiques, les artisans enluminaient les codex évangéliques avec une précision méticuleuse. Les Évangiles mokvis du XIIIe siècle présentent des initiales dorées et des miniatures narratives aux couleurs vives ocres et outremers, des scènes entourées de rinceaux de vigne entrelacés qui font écho à l'iconographie viticole locale. Ces manuscrits témoignent d'une tradition érudite qui a traduit la philosophie grecque et la théologie byzantine en écriture géorgienne, préservant ainsi le savoir à travers des siècles de bouleversements.

Parallèlement aux arts visuels, le patrimoine littéraire géorgien a trouvé son apogée dans l'épopée du XIIe siècle, Le Chevalier à la peau de panthère. Écrite par Shota Rustaveli, ses quatrains rythmés tissent l'amour courtois et le courage dans un récit unificateur qui demeure un pilier de l'identité nationale. Des siècles plus tard, les vers de Rustaveli ont inspiré une renaissance au XIXe siècle, lorsque des poètes comme Ilia Chavchavadze et Nikoloz Baratashvili ont remis au goût du jour les formes classiques, jetant ainsi les bases des romanciers et dramaturges modernes.

Le patrimoine immatériel de la Géorgie se manifeste peut-être de manière plus profonde dans le chant. Des hautes vallées de Svanétie aux plaines fluviales de Kakhétie, les villageois perpétuent une polyphonie à trois voix : un « ison » de basse soutient des mélodies conversationnelles et des dissonances complexes, produisant un effet à la fois méditatif et électrique. Les accords envoûtants de « Chakrulo », enregistrés sur le Voyager Golden Record, portent cette tradition au-delà des frontières terrestres, témoignant de la créativité humaine née du rituel communautaire.

Ensemble, ces expressions de la pierre, de l'écriture et du chant cartographient un territoire culturel aussi varié que la géographie de la Géorgie. Chaque forteresse, fresque, feuillet et refrain résonne de plusieurs couches d'histoire, captivant l'œil, l'esprit et le cœur de chaque voyageur qui s'arrête pour l'écouter.

Économie et transformation moderne

L'économie géorgienne repose depuis longtemps sur ses richesses naturelles – minéraux, sols fertiles et cours d'eau abondants – mais la trajectoire de croissance et de réformes des trois dernières décennies a été tout simplement spectaculaire. Depuis l'indépendance en 1991, le pays a franchi un cap décisif, passant d'un modèle autoritaire à une structure de marché libéralisée. Dans l'immédiat après-soviétique, les troubles civils et les conflits séparatistes en Abkhazie et en Ossétie du Sud ont précipité une grave contraction : en 1994, le produit intérieur brut avait chuté à environ un quart de son niveau de 1989.

L'agriculture demeure un secteur vital, même si sa part dans le PIB a diminué à environ 6 % ces dernières années. La viticulture, cependant, se distingue : la Géorgie revendique la plus ancienne tradition viticole au monde, avec des tessons de poterie du Néolithique révélant des résidus de vin datant de 6 000 av. J.-C. Aujourd'hui, quelque 70 000 hectares de vignobles répartis dans des régions comme la Kakhétie, la Kartlie et l'Iméréthie produisent à la fois des vins ambrés fermentés en qvevri et des cépages plus familiers. La vinification non seulement soutient les moyens de subsistance des populations rurales, mais stimule également la croissance des exportations, les vins géorgiens étant désormais présents sur les étals de Berlin à Pékin.

Sous le Caucase, des gisements d'or, d'argent, de cuivre et de fer soutiennent l'exploitation minière depuis l'Antiquité. Plus récemment, le potentiel hydroélectrique a été exploité le long de fleuves comme l'Enguri et le Rioni, faisant de la Géorgie un exportateur net d'électricité lors des années les plus humides. Dans le secteur manufacturier, les ferroalliages, les eaux minérales, les engrais et l'automobile constituent les principaux secteurs d'exportation. Malgré ces atouts, la production industrielle reste inférieure à son pic de l'ère soviétique et la modernisation des usines progresse de manière inégale.

Depuis 2003, des réformes radicales menées par les gouvernements successifs ont transformé le climat des affaires en Géorgie. L'introduction d'un impôt sur le revenu forfaitaire en 2004 a stimulé le respect des obligations fiscales, transformant un déficit budgétaire abyssal en excédents successifs. La Banque mondiale a salué la Géorgie comme le pays le plus réformateur au monde dans le classement de la facilité de faire des affaires, passant de la 112e à la 18e place en un an. En 2020, elle occupait la sixième place mondiale.
Les services représentent désormais près de 60 % du PIB, tirés par la finance, le tourisme et les télécommunications, tandis que les investissements directs étrangers se sont dirigés vers l’immobilier, l’énergie et la logistique.

Le rôle historique de carrefour de la Géorgie perdure grâce à ses corridors de transport modernes. Les ports de Poti et de Batoumi, sur la mer Noire, gèrent le trafic de conteneurs à destination de l'Asie centrale, tandis que l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan et son gazoduc adjacent relient les champs azerbaïdjanais aux terminaux d'exportation méditerranéens. La ligne ferroviaire Kars-Tbilissi-Bakou, inaugurée en 2017, complète la liaison ferroviaire à écartement standard entre l'Europe et le Caucase du Sud, améliorant ainsi la connectivité du fret et des passagers. Ensemble, ces axes assurent l'entrée des importations (véhicules, combustibles fossiles, produits pharmaceutiques) et la sortie des exportations (minerais, vins, eaux minérales), représentant respectivement la moitié et un cinquième du PIB en 2015.

Français La pauvreté a fortement reculé : de plus de la moitié de la population vivant sous le seuil national de pauvreté en 2001 à un peu plus de 10 % en 2015. Le revenu mensuel des ménages a atteint en moyenne 1 022 lari (environ 426 dollars) la même année. L'indice de développement humain de la Géorgie est passé dans la tranche de développement élevé, atteignant le 61e rang mondial en 2019. L'éducation se distingue comme un contributeur clé, avec un taux brut de scolarisation primaire de 117 % - le deuxième plus élevé d'Europe - et un réseau de 75 établissements d'enseignement supérieur accrédités favorisant une main-d'œuvre qualifiée.

Les artères de transport et l'essor du tourisme

Il y a un siècle, les montagnes escarpées et les routes fragmentées de la Géorgie limitaient les déplacements aux vallées locales et aux cols saisonniers. Aujourd'hui, la situation stratégique du pays, au carrefour de l'Europe et de l'Asie, soutient un réseau de transport de plus en plus sophistiqué, et avec lui, un secteur touristique devenu un pilier de l'économie nationale.

En 2016, quelque 2,7 millions de visiteurs internationaux ont injecté environ 2,16 milliards de dollars américains dans l'économie géorgienne, un chiffre qui a plus que quadruplé les revenus de la décennie précédente. En 2019, les arrivées ont atteint un record de 9,3 millions, générant plus de 3 milliards de dollars américains de devises étrangères au cours des trois premiers trimestres seulement. L'ambition du gouvernement – ​​accueillir 11 millions de touristes d'ici 2025 et doubler les recettes touristiques annuelles pour atteindre 6,6 milliards de dollars américains – reflète à la fois l'investissement public et le dynamisme du secteur privé.

Les visiteurs sont attirés par les 103 stations balnéaires de Géorgie, qui s'étendent sur des plages subtropicales de la mer Noire, des pistes de ski alpin, des sources minérales et des stations thermales. Gudauri reste la première destination hivernale, tandis que la promenade en bord de mer de Batoumi et ses monuments classés au patrimoine mondial de l'UNESCO – le monastère de Ghélati et l'ensemble historique de Mtskheta – constituent des points forts des circuits culturels qui incluent également la Cité troglodyte, Ananuri et la ville fortifiée de Sighnaghi, perchée sur une colline. Rien qu'en 2018, plus de 1,4 million de voyageurs sont arrivés de Russie, ce qui témoigne de la vigueur des marchés régionaux, alors même que de nouveaux flux de visiteurs européens se développent via les compagnies low-cost desservant les aéroports de Koutaïssi et de Tbilissi.

Le réseau routier géorgien s'étend désormais sur 21 110 kilomètres, serpentant entre la plaine côtière et les cols du Grand Caucase. Depuis le début des années 2000, les administrations successives ont donné la priorité à la reconstruction des autoroutes. Pourtant, en dehors de l'autoroute S1 est-ouest, une grande partie des déplacements interurbains se fait encore sur des routes à deux voies qui suivent d'anciennes routes caravanières. Les goulots d'étranglement saisonniers, aux tunnels de montagne et aux postes-frontières, continuent de mettre à rude épreuve la planification logistique, même si de nouvelles rocades et routes à péage désengorgent progressivement le réseau.

Les 1 576 kilomètres de chemins de fer géorgiens constituent le lien le plus court entre la mer Noire et la mer Caspienne, transportant à la fois du fret et des passagers à travers des nœuds clés.
Un programme continu de renouvellement de la flotte et de modernisation des gares depuis 2004 a amélioré le confort et la fiabilité, tandis que les opérateurs de fret bénéficient de l'exportation du pétrole et du gaz azerbaïdjanais vers le nord, en Europe et en Turquie. L'emblématique ligne à écartement standard Kars–Tbilissi–Bakou, inaugurée en octobre 2017, intègre davantage la Géorgie au Corridor central, positionnant Tbilissi comme plaque tournante transcaucasienne.

Les quatre aéroports internationaux de Géorgie – Tbilissi, Koutaïssi, Batoumi et Mestia – accueillent désormais une combinaison de compagnies aériennes à service complet et à bas prix. L'aéroport international de Tbilissi, le hub le plus fréquenté, propose des vols directs vers les principales capitales européennes, le Golfe et Istanbul ; la piste de Koutaïssi accueille les vols de Wizz Air et Ryanair au départ de Berlin, Milan, Londres et au-delà. L'aéroport international de Batoumi assure des liaisons quotidiennes avec Istanbul et des vols saisonniers vers Kiev et Minsk, soutenant ainsi à la fois les voyages d'agrément et le secteur géorgien en plein essor des MICE (réunions, incentives, conférences, expositions).

Les ports de Poti et de Batoumi sur la mer Noire accueillent aussi bien des marchandises que des ferries. Tandis que Batoumi combine son rôle de station balnéaire avec un terminal de fret très fréquenté utilisé par l'Azerbaïdjan voisin, Poti se concentre sur le trafic de conteneurs à destination de l'Asie centrale. Des ferries de passagers relient la Géorgie à la Bulgarie, la Roumanie, la Turquie et l'Ukraine, offrant une alternative à l'accès terrestre et aérien pour certains marchés régionaux.

Gestion de l'environnement, biodiversité et développement durable

La topographie et le climat variés de la Géorgie abritent une extraordinaire diversité d'habitats, des forêts collinaires du littoral de la mer Noire aux prairies alpines et aux cirques de pergélisol du Grand Caucase. Pourtant, cette richesse écologique est soumise à des pressions croissantes : accélération de l'érosion des sols sur les pentes déboisées, prélèvement d'eau non durable dans les vallées arides de l'est, et risques liés au changement climatique, notamment le recul des glaciers et la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes. Conscientes de ces menaces, les autorités géorgiennes et la société civile ont adopté une approche multidimensionnelle en matière de conservation et de croissance verte.

Les zones protégées couvrent désormais plus de dix pour cent du territoire national, comprenant quatorze réserves naturelles intégrales et vingt parcs nationaux. Au nord-est, les réserves de Touchétie et de Kazbegi protègent des plantes endémiques, comme le rhododendron du Caucase, ainsi que des populations de chèvres tur et bézoard du Caucase oriental. Les plaines d'Ispani et de Colchide, autrefois défrichées pour l'agriculture, ont fait l'objet d'initiatives de reboisement visant à restaurer les forêts inondables, essentielles à la stabilisation des berges et au maintien de la qualité de l'eau.

Parallèlement, les projets de développement durable privilégient l'engagement communautaire. En Svanétie et en Touchétie, les gîtes ruraux et les randonnées guidées contribuent directement aux revenus locaux tout en finançant l'entretien des sentiers et la surveillance des habitats. Dans la région viticole de Kakhétie, les viticulteurs adoptent des pratiques de lutte biologique et intégrée contre les ravageurs, réduisant ainsi le ruissellement des produits chimiques et préservant la santé des sols – une approche qui séduit également les consommateurs éco-responsables à l'étranger.

Les énergies renouvelables constituent un autre pilier du programme vert de la Géorgie. De petites centrales hydroélectriques, conçues avec des protections écologiques modernes, complètent les grands réservoirs des rivières Enguri et Rioni, tandis que des fermes solaires expérimentales dans les districts arides de l'est produisent de l'électricité propre pendant les mois les plus ensoleillés. Conscients que les projets énergétiques peuvent fragmenter les corridors fauniques, les urbanistes intègrent désormais des évaluations d'impact écologique dès les premières étapes de conception, s'efforçant d'équilibrer la production d'électricité avec la connectivité des habitats.

À l'avenir, l'engagement de la Géorgie envers les accords environnementaux internationaux et sa participation active au Conseil de la biodiversité du Caucase lui permettent de concilier croissance économique et intégrité écologique. En associant gestion des aires protégées, gestion communautaire et infrastructures vertes, le pays entend garantir la résilience de ses paysages, si longtemps creusets de diversité culturelle et biologique, pour les générations futures.

Gouvernance et relations internationales

La Géorgie fonctionne comme une démocratie parlementaire, son architecture politique étant façonnée par une constitution semi-présidentielle adoptée en 2017. Le pouvoir législatif repose sur un Parlement monocaméral à Tbilissi, composé de députés élus selon un système électoral mixte. Le président est le chef de l'État et exerce des fonctions essentiellement protocolaires, tandis que le pouvoir exécutif appartient au Premier ministre et à son cabinet. Au cours de la dernière décennie, les administrations successives ont mené des réformes judiciaires et mis en œuvre des mesures de lutte contre la corruption, s'efforçant de renforcer l'État de droit et de renforcer la confiance du public dans les institutions. Ces efforts ont permis une amélioration constante de l'Indice de perception de la corruption de Transparency International.

La politique étrangère de la Géorgie est ancrée dans l'intégration euro-atlantique. Son adhésion au Conseil de l'Europe depuis 1999 et son partenariat pour la paix avec l'OTAN depuis 1994 reflètent des aspirations de longue date à des alliances occidentales. Les accords bilatéraux avec l'Union européenne ont renforcé les liens économiques et l'harmonisation réglementaire, notamment l'Accord d'association de 2014 et la Zone de libre-échange approfondie et complète, qui ont abaissé les droits de douane et harmonisé les normes dans des secteurs clés. Parallèlement, les conflits non résolus en Abkhazie et en Ossétie du Sud sous-tendent une relation complexe avec la Russie, marquée par des ouvertures diplomatiques périodiques et des préoccupations sécuritaires persistantes le long des frontières administratives.

Au niveau régional, la Géorgie soutient des initiatives qui exploitent son corridor géographique entre l'Europe et l'Asie. Elle cofonde l'Organisation pour la démocratie et le développement économique (« GUAM ») aux côtés de l'Ukraine, de l'Azerbaïdjan et de la Moldavie, promouvant la diversification énergétique et l'interopérabilité des transports. Parallèlement, la coopération bilatérale avec la Turquie et la Chine a permis d'accroître les investissements dans les infrastructures et les routes commerciales, conciliant alignement avec l'Occident et engagement pragmatique pour maximiser les opportunités économiques.

À l'avenir, la Géorgie continue de négocier l'interaction complexe entre réformes intérieures et stratégie extérieure. Sa réussite dans la consolidation des normes démocratiques, la résolution des conflits territoriaux et l'intégration aux marchés mondiaux façonnera le prochain chapitre de son histoire nationale.

Éducation et santé

L'engagement de la Géorgie en matière d'éducation reflète à la fois son héritage médiéval d'écoles monastiques et l'importance accordée à l'alphabétisation universelle à l'époque soviétique. Aujourd'hui, le système éducatif formel comprend le primaire (6-11 ans), le secondaire de base (11-15 ans) et le deuxième cycle du secondaire (15-18 ans), suivis de l'enseignement supérieur. Les taux de scolarisation dépassent 97 % dans le primaire, tandis que la participation brute au deuxième cycle du secondaire oscille autour de 90 %, témoignant d'un accès quasi universel. L'enseignement est dispensé principalement en géorgien, les écoles des minorités en azerbaïdjanais, en arménien et en russe conservant des droits linguistiques au sein de leurs communautés.

Le début des années 2000 a été marqué par des réformes radicales : les programmes scolaires ont été rationalisés pour privilégier la pensée critique à la mémorisation, les salaires des enseignants ont été indexés sur les indicateurs de performance et les inspections scolaires ont été décentralisées sous l’égide de l’Agence pour l’assurance qualité de l’éducation. Ces mesures ont contribué à l’amélioration des résultats de la Géorgie au PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), notamment en mathématiques et en sciences, où les progrès réalisés entre 2009 et 2018 ont dépassé ceux de nombreux autres pays de la région. Néanmoins, des disparités persistent : les districts ruraux, notamment dans les régions montagneuses comme la Svanétie et la Touchétie, souffrent d’un manque d’infrastructures et d’enseignants, ce qui a donné lieu à des subventions ciblées et à des initiatives d’apprentissage à distance pour combler ce fossé.

L'Université d'État de Tbilissi, fondée en 1918, demeure l'institution phare, aux côtés de cinq universités publiques et de plus de soixante établissements d'enseignement supérieur privés. Ces dernières décennies ont vu l'émergence d'académies spécialisées – médicales, agricoles et technologiques – contribuant chacune au développement de la main-d'œuvre. Les partenariats avec des universités européennes et nord-américaines facilitent les échanges d'étudiants et d'enseignants dans le cadre des programmes Erasmus+ et Fulbright, tandis que le financement de la recherche, bien que modeste, privilégie la viticulture et les technologies des énergies renouvelables, reflétant ainsi les avantages comparatifs nationaux.

Le système de santé géorgien a évolué du modèle soviétique Semashko vers un cadre mixte public-privé. Depuis 2013, un programme de santé universel garantit une couverture de base – incluant les soins primaires, les services d'urgence et les médicaments essentiels – à tous les citoyens, financé par une combinaison d'impôts généraux et de subventions. Les paiements directs restent importants pour les traitements spécialisés et les produits pharmaceutiques, en particulier dans les centres urbains où les cliniques privées prolifèrent.

L'espérance de vie est passée de 72 ans en 2000 à 77 ans en 2020, grâce à la baisse de la mortalité infantile et des maladies infectieuses. Pourtant, les maladies non transmissibles (maladies cardiovasculaires, diabète et affections respiratoires) représentent la majeure partie de la morbidité, reflétant le tabagisme, les changements alimentaires et le vieillissement démographique. Pour faire face à ces tendances, le Centre national de contrôle des maladies et de santé publique a mis en place une législation antitabac, des campagnes de dépistage de l'hypertension et des services pilotes de télémédecine dans les régions reculées.

La Géorgie forme environ 1 300 nouveaux médecins et 1 800 infirmiers chaque année, mais ne retient que les deux tiers de ses diplômés, nombre d'entre eux cherchant des salaires plus élevés à l'étranger. En réponse, le ministère de la Santé offre des primes de rétention pour les praticiens en milieu rural et en zones à fort besoin. Les infrastructures hospitalières sont très variables : les installations modernes de Tbilissi et de Batoumi contrastent avec les cliniques vieillissantes de construction soviétique des centres régionaux, dont certaines ont été modernisées grâce à des prêts de la Banque mondiale et de la Banque européenne d'investissement.

Pour maintenir les progrès, il faudra renforcer les soins préventifs, réduire les écarts entre zones urbaines et rurales et garantir un financement stable – des actions qui s'inscrivent dans le cadre plus large du développement de la Géorgie. En intégrant les agents de santé communautaires, en développant les plateformes de santé numérique et en alignant la recherche universitaire sur les priorités nationales, le pays entend garantir à sa population une résilience physique et mentale égale à celle de son esprit.

Paysages urbains et ruraux : continuité et changement

Le cadre bâti géorgien révèle un dialogue entre continuité et transformation : d'anciens villages perchés et des immeubles d'habitation soviétiques côtoient des tours financières vitrées et des espaces publics réinventés. De la silhouette éclectique de la capitale aux strates des hameaux des hautes terres, la géographie de l'habitat reflète à la fois le poids de l'histoire et les exigences de la vie moderne.

Tbilissi, qui abrite environ un tiers de la population nationale, est à la fois un centre culturel et un laboratoire urbain. Ses vieux quartiers – Abanotubani, Sololaki, Mtatsminda – conservent leurs balcons en bois, leurs bains de soufre et leurs ruelles sinueuses qui suivent encore le tracé médiéval des rues. Ces quartiers historiques ont connu des vagues de restauration, certaines impulsées par la gentrification menée par l'État, d'autres par des entrepreneurs locaux. À l'inverse, les quartiers de Vake et Saburtalo, construits au milieu du XXe siècle, présentent la géométrie modulaire des immeubles d'appartements Khrouchtchevka, dont beaucoup ont été rénovés ou remplacés par des tours verticales à usage mixte.

La transformation la plus récente de la ville a débuté au début des années 2000, lorsque des partenariats public-privé ont apporté de nouveaux investissements aux promenades riveraines, aux institutions culturelles et aux axes de transport. Le pont piétonnier de la Paix, avec sa travée d'acier et de verre enjambant la rivière Mtkvari, symbolise cette synthèse entre histoire et futur. Le métro de Tbilissi, inauguré en 1966, assure toujours un transport fiable à plus de 100 000 usagers quotidiens, même si des investissements dans des lignes supplémentaires se font toujours attendre. Parallèlement, les embouteillages, la pollution atmosphérique et le manque d'espaces verts remettent en cause les ambitions de durabilité de la ville, ce qui a conduit à l'élaboration de nouveaux plans directeurs axés sur la décentralisation et la résilience écologique.

Batoumi, port de la mer Noire et capitale de la République autonome d'Adjarie, est devenue le deuxième pôle urbain de Géorgie. Autrefois paisible ville portuaire, son paysage urbain comprend aujourd'hui des hôtels de grande hauteur, des casinos et une architecture spéculative, comme la tour alphabétique et les formes fluides de la Maison des services publics. La croissance urbaine de Batoumi a dépassé les travaux de modernisation des infrastructures dans certains quartiers, exerçant une pression sur les réseaux d'eau, de déchets et de transports publics.

Koutaïssi, ancienne capitale du royaume d'Iméréthie et siège éphémère du Parlement géorgien (2012-2019), est le cœur administratif et culturel de la Géorgie occidentale. Les rénovations de son centre historique, notamment la reconstruction du Pont Blanc et la préservation de la cathédrale de Bagrati, ont attiré le tourisme national, même si l'exode des jeunes demeure préoccupant. Roustavi, Telavi, Zougdidi et Akhaltsikhé présentent des récits similaires : des centres régionaux naviguant dans la transition post-industrielle, conciliant patrimoine et nouvelles fonctions dans l'éducation, la logistique et l'industrie légère.

En dehors des villes, plus de 40 % des Géorgiens vivent dans des villages, souvent perchés sur des crêtes montagneuses ou nichés au bord de rivières. Dans des régions comme Racha, Khevsureti et Svaneti, les modes de peuplement conservent des caractéristiques prémodernes : des groupes compacts de maisons en pierre avec pâturages partagés et tours ancestrales, souvent accessibles uniquement par des routes sinueuses fermées en hiver. Ces communautés conservent des particularités linguistiques et architecturales, mais sont confrontées à un déclin démographique marqué, les jeunes résidents partant travailler dans les centres urbains ou à l'étranger.

Les efforts de revitalisation de la vie rurale reposent sur la décentralisation, le renouvellement des infrastructures et l'agrotourisme. Les programmes de soutien aux coopératives viticoles de Kakhétie, aux producteurs laitiers de Samtskhe-Djavakhétie et aux ateliers de laine de Touchétie visent à restaurer à la fois la viabilité économique et la continuité culturelle. Parallèlement, l'amélioration de l'électrification, de la connectivité numérique et de l'accès routier a réduit l'isolement des vallées les plus reculées, favorisant ainsi les migrations saisonnières et l'accession à la propriété secondaire au sein de la diaspora géorgienne.

Dans tous ces espaces – urbains et ruraux, anciens et contemporains – la Géorgie continue de remodeler son paysage habité avec une conscience distincte de la continuité. Les villes se développent et les villages s'adaptent, mais chacun reste attaché aux histoires gravées dans leurs pierres, chantées dans leurs salles et rappelées à chaque pas.

Tables, toasts et saveurs : la trame de la cuisine géorgienne

Le monde culinaire géorgien se déploie telle une carte vivante, chaque province offrant son propre rythme de saveurs et ses techniques éprouvées, le tout uni par un esprit convivial. Au cœur de chaque repas géorgien se trouve le supra, un banquet de plats accompagné de toasts mesurés portés par le tamada, dont l'invocation de l'histoire, de l'amitié et de la mémoire transforme le repas en un rituel partagé. Mais au-delà du cérémonial, c'est dans les textures, les contrastes et l'interaction des ingrédients que la cuisine géorgienne révèle toute sa subtilité.

Dans la région orientale de Kakhétie, où le sol produit à la fois de la vigne et des céréales, les préparations simples brillent. Le fromage friable d'Imérétie rencontre les tranches de pain moelleux du khachapuri, dont le cœur fondant est salé au beurre local. Non loin de là, des bols de lobio – des haricots rouges mijotés à la coriandre et à l'ail – sont posés sur des tables en bois brut, leur saveur terreuse étant contrebalancée par des cuillerées de sauce tkemali aux prunes. Les marchés matinaux regorgent de pêches mûries au soleil et de grenades acidulées, destinées à couronner des salades de tomates et de concombres déchirés, assaisonnés d'huile de noix et parsemés d'aneth frais.

En traversant la crête de Likhi jusqu'à l'ouest de la Mingrélie, le palais s'enrichit encore. Ici, le khachapuri prend une forme audacieuse, en forme de bateau, enroulé autour d'œufs et de fromages locaux aux notes fumées et noisetées persistantes. Les assiettes de chakapuli – agneau mijoté dans un bouillon à l'estragon avec des prunes vertes acidulées – témoignent du mélange des influences ottomanes et persanes, tandis que l'elargi gomi, un plat à base de semoule de maïs ferme, absorbe le ruban parfumé du ragoût de bœuf épicé déposé à la louche.

Sur la côte de la mer Noire, les cuisines d'Adjarie puisent leurs inspirations dans les jardins subtropicaux comme dans les alpages. Les agrumes mûrs des vergers de Batoumi égayent les salades, tandis que l'esturgeon du littoral se glisse dans les soupes de poisson consistantes. Pourtant, même ici, les fromages de chèvre et les herbes sauvages cueillies dans les prairies estivales restent indispensables, enrobés de pâte filo et cuits au four jusqu'à ce qu'ils soient croustillants.

Dans les régions montagneuses de Svanétie et de Touchétie, la cuisine reflète à la fois l'isolement et l'ingéniosité. Des fours voûtés en pierre abritent des mchadi, des pains denses à base de farine de maïs ou de sarrasin, destinés à résister aux neiges hivernales. Du lard salé et des saucisses fumées pendent aux chevrons, leurs arômes préservés conférant de la profondeur aux ragoûts de légumes racines et de champignons séchés cueillis au-dessus de la limite des arbres. Chaque cuillerée évoque les pentes abruptes et les cols élevés qui façonnent le quotidien.

Au-delà de ces piliers régionaux, les chefs géorgiens contemporains s'inspirent de la tradition avec une sobriété inventive. Dans les ruelles étroites de Tbilissi, des bistrots intimistes proposent des festins à petite échelle : de tendres aubergines nappées de pâte de noix, des éclats de truite fumée garnis de noix marinées, ou encore les fines feuilles translucides du kubdari, un pain farci de bœuf épicé et d'oignons. Ces interprétations modernes tiennent compte de la provenance, privilégiant les céréales locales, les légumineuses anciennes et les huiles vierges pressées.

Le vin reste indissociable de la table. Les crus ambrés fermentés dans des qvevris en argile apportent de la texture aux viandes comme aux fromages, tandis que les cépages blancs vifs, issus de cépages rkatsiteli ou mtsvane, tranchent avec les potages plus riches. La dégustation est réfléchie ; les verres sont remplis avec parcimonie, pour que chaque saveur résonne.

La mosaïque culinaire géorgienne n'est ni statique ni kitsch. Elle s'épanouit dans les cuisines où les grands-mères mesurent le sel à la main, sur les marchés où les voix des agriculteurs s'élèvent et s'abaissent parmi les paniers de produits, et dans les restaurants où les sommeliers reprennent la cadence cérémonielle du tamada. Ici, chaque repas est un acte d'appartenance, chaque recette un fil conducteur d'une culture qui valorise la chaleur, la générosité et la conviction tacite que la meilleure nourriture va au-delà de la simple subsistance pour devenir un lieu de convivialité.

Célébrations de la créativité et de l'esprit athlétique

Outre son patrimoine ancestral et son économie renaissante, la Géorgie vibre aujourd'hui de festivals créatifs, d'une scène artistique dynamique et d'une culture sportive fervente. Ces expressions modernes perpétuent des millénaires de rituels communautaires et de fierté locale, tout en projetant l'identité géorgienne sur la scène internationale.

Chaque été, Tbilissi se transforme en une toile de fond pour la performance et le spectacle. Le Festival international du film de Tbilissi, fondé en 2000, présente plus de 120 longs et courts métrages d'Orient et d'Occident, attirant les cinéphiles vers des projections dans des lieux industriels reconvertis et des cours en plein air. Parallèlement, le Festival Art-Gene, une initiative locale lancée en 2004, réunit musiciens folkloriques, artisans et conteurs dans des décors rustiques – villages, monastères et alpages – faisant revivre des chants polyphoniques et des techniques artisanales menacées.

Au printemps, le Festival de jazz de Tbilissi accueille des têtes d'affiche internationales dans les salles de concert et les clubs de jazz, réaffirmant ainsi la réputation de la ville comme carrefour entre l'Orient et l'Occident. De son côté, le Festival de jazz de la mer Noire de Batoumi capitalise sur son emplacement en bord de mer, proposant des concerts nocturnes sur des scènes flottantes sous les palmiers subtropicaux. Ces deux événements soulignent l'adhésion de la Géorgie aux traditions musicales internationales sans diluer ses paysages sonores distinctifs.

Le théâtre et la danse sont également florissants. Le Théâtre national Rustaveli de Tbilissi présente à la fois un répertoire classique et des productions d'avant-garde, collaborant souvent avec des metteurs en scène européens. Parallèlement, des chorégraphes contemporains réinterprètent les danses folkloriques géorgiennes, distillant le jeu de jambes rythmique des régions montagneuses dans des spectacles abstraits et multimédias qui tournent en Europe et en Asie.

Des galeries des quartiers de Vera et Sololaki à Tbilissi exposent les œuvres d'une nouvelle génération de peintres, sculpteurs et artistes d'installation. Ces créateurs s'inspirent des héritages surréalistes et modernistes, ainsi que de l'iconographie locale – des motifs de vigne aux souvenirs de l'ère soviétique – et questionnent les thèmes de la mémoire, du déplacement et du changement social. La Foire d'art de Tbilissi (fondée en 2015) accueille chaque année des commissaires d'exposition et des collectionneurs étrangers, contribuant ainsi à l'intégration de la culture visuelle géorgienne au marché mondial de l'art.

La vie littéraire est centrée sur l'Union des écrivains géorgiens et le Festival du livre de Tbilissi, qui réunit poètes et romanciers pour des lectures, des ateliers et des débats. De plus en plus, les œuvres de jeunes auteurs, écrites en géorgien ou dans les langues des minorités, abordent des sujets d'actualité tels que la migration, l'identité et la transformation environnementale, témoignant d'une renaissance littéraire qui honore et réinvente les canons littéraires.

Le sport constitue un autre aspect de la vie contemporaine, unissant les Géorgiens de toutes les régions. Le rugby à XV a un statut quasi religieux : les victoires de l'équipe nationale sur des puissances du rugby comme le Pays de Galles et l'Argentine ces dernières années ont donné lieu à des célébrations dans les rues de Tbilissi comme de Batoumi. Les stades remplis de supporters fervents scandant des chants à trois voix font écho aux traditions musicales géorgiennes.

La lutte et le judo s'inspirent du patrimoine martial du pays, les athlètes géorgiens se hissant fréquemment sur les plus hautes marches des podiums olympiques. De même, l'haltérophilie et la boxe demeurent des voies vers le prestige national, leurs champions étant honorés comme des héros populaires dans les villages des hautes terres où chants et danses traditionnels accompagnent les célébrations de la victoire.

Les échecs, longtemps cultivés dans les écoles soviétiques, perdurent à la fois comme passe-temps et comme profession ; les grands maîtres géorgiens apparaissent régulièrement dans les tournois internationaux, leur créativité stratégique reflétant le mélange d'étude disciplinée et d'improvisation caractéristique de l'art et de la culture géorgiens.

Qu'il s'agisse de cadres de films, de murs de galeries ou de rugissements de stades, les festivals et les stades de Géorgie sont aujourd'hui des lieux vivants où l'histoire, la communauté et l'excellence individuelle convergent. Ils entretiennent une sphère publique dynamique qui complète les monuments architecturaux et les merveilles naturelles du pays, permettant ainsi à l'histoire de la Géorgie de se dévoiler de manière vibrante et inattendue.

Diaspora, mémoire et sentiment d'appartenance des Géorgiens

Dispersée des villes de plaine d'Ukraine aux collines du nord de l'Iran, des paroisses d'immigrants new-yorkaises aux coopératives viticoles marseillaises, la diaspora géorgienne demeure une présence discrète mais durable, porteuse de fragments de patrie, de langue et de devoirs ancestraux. Les raisons de son départ ont varié – guerre, répression politique, nécessité économique – mais, d'une génération à l'autre, l'instinct de préservation de la mémoire culturelle est resté remarquablement constant.

D'importantes vagues d'émigration commencèrent au début du XXe siècle. Après l'occupation soviétique de 1921, les élites politiques, le clergé et les intellectuels s'enfuirent à Istanbul, Paris et Varsovie, formant des communautés d'exil qui maintinrent une vision d'une Géorgie libérée de la domination impériale. Églises, écoles de langues et revues littéraires devinrent des vecteurs de continuité, tandis que des leaders exilés tels que Noé Jordania et Grigol Robakidze publièrent des œuvres et des correspondances qui alimentèrent un imaginaire historique collectif.

Ces dernières décennies, l'immigration économique a connu une forte augmentation après l'effondrement de l'Union soviétique. Au milieu des années 2000, des centaines de milliers de Géorgiens ont cherché un emploi en Russie, en Turquie, en Italie, en Grèce et aux États-Unis. Nombre d'entre eux travaillaient dans le bâtiment, le travail domestique, les soins à la personne ou l'hôtellerie-restauration – des secteurs souvent sous-évalués mais pourtant essentiels à l'économie de leur pays d'accueil. Les transferts de fonds sont devenus indispensables à l'économie géorgienne : en 2022, ils représentaient plus de 12 % du PIB, fournissant des revenus essentiels aux ménages ruraux et favorisant la croissance des petites entreprises du pays.

Pourtant, malgré toutes les ressources matérielles, l'héritage le plus précieux de la diaspora réside peut-être dans sa préservation de la langue et des traditions. Dans les quartiers de Thessalonique ou de Brooklyn, les enfants fréquentent les écoles géorgiennes le week-end, tandis que les églises de la diaspora célèbrent les fêtes orthodoxes par des liturgies chantées en chants anciens. Les traditions culinaires voyagent également : les familles transportent de la pâte de prunes aigres et des herbes séchées au-delà des frontières, tandis que des cuisines éphémères servent du khinkali et du lobiani lors des fêtes communautaires.

L'État géorgien a progressivement formalisé ces relations. Le Bureau du ministre d'État chargé des questions de diaspora, créé en 2008, facilite les programmes d'échanges culturels, les parcours de double nationalité et les partenariats d'investissement avec les expatriés. De même, des institutions comme l'Institut de langue géorgienne proposent des programmes d'enseignement à distance et de bourses d'études destinés aux Géorgiens de deuxième génération vivant à l'étranger.

La mémoire ancre ces efforts. Les Géorgiens de la diaspora décrivent souvent leur lien avec leur patrie moins en termes politiques ou économiques qu'en termes personnels : un vignoble familial de Kakhétie aujourd'hui abandonné, le livre de cuisine manuscrit d'une grand-mère, une fresque d'église vue une fois dans l'enfance et jamais oubliée. Ces fragments, matériels et émotionnels, entretiennent un sentiment d'appartenance qui transcende le lieu.

Pour beaucoup, le retour est partiel : visites estivales, participation à des mariages ou des baptêmes, ou achat de terres ancestrales. Pour d’autres, notamment les jeunes générations élevées dans une culture de traduction fluide, le lien reste symbolique mais sincère – une façon d’ancrer son identité dans quelque chose de plus ancien, de plus stable et de plus résonnant.

Ainsi, les frontières de la Géorgie s'étendent au-delà de la géographie. Elles s'étendent à travers la mémoire, l'imagination et la parenté – une géographie inexplorée d'affection et d'obligation qui unit ceux qui restent, ceux qui reviennent et ceux qui portent la Géorgie en eux, même à distance.

La Géorgie à la croisée des temps

Se trouver en Géorgie, c'est sentir l'histoire s'imposer de toutes parts. Non pas comme un fardeau, mais comme un bourdonnement persistant sous la surface du quotidien – un courant sous-jacent tissé dans la langue, les coutumes et la texture même du territoire. Ici, le temps ne se déroule pas en lignes droites. Il se déroule en boucles et se croise : un hymne médiéval chanté à côté d'une mosaïque soviétique ; un festin aux rythmes homériques ; un débat politique mené sous les arches d'une ancienne forteresse. La Géorgie, plus que la plupart des nations, a survécu grâce à la mémoire.

Pourtant, la mémoire seule ne suffit pas à faire vivre un pays. La Géorgie d'aujourd'hui est autant une question d'invention que de préservation. Depuis son indépendance en 1991, elle a dû se définir à maintes reprises – non seulement comme une ancienne république soviétique, non seulement comme un État post-conflit, mais comme un État entièrement autonome. Ce processus n'a pas été linéaire. Il y a eu des régressions et des ruptures, des moments de réformes époustouflantes et des épisodes de désillusion. Pourtant, ce qui caractérise la Géorgie moderne n'est ni son passé ni son potentiel, mais sa persistance.

Lari géorgien (₾)

Devise

26 mai 1918 (Première République) / 9 avril 1991 (Indépendance de l'Union soviétique)

Fondé

+995

Code d'appel

3,688,647

Population

69 700 km² (26 911 milles carrés)

Zone

géorgien

Langue officielle

Point le plus élevé : 5 193 m (17 037 pi) - Mont Shkhara / Point le plus bas : 0 m (0 pi) - Mer Noire

Élévation

UTC+4 (GET)

Fuseau horaire

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